Le père de Noura Hussein a voulu obliger sa fille Noura Hussein à épouser contractuellement son cousin issu d’une famille plus riche. Afin d’échapper à ce mariage précoce, Noura est allée se réfugier à Khartoum chez sa tante. Après y être restée 3 ans, elle a reçu un appel lui disant que le mariage était annulé et qu’elle pouvait désormais rentrer chez elle. Impatiente de voir sa famille, elle se hata pour rentrer et constata qu’elle avait été dupée.
Le mariage, loin d’avoir été annulé était toujours au programme avec les préparatifs qui battaient leur plein. Cette fois, l’étau se refermait sur elle, n’ayant plus d’échappatoire, elle devait se résigner à obéir et accepter « docilement » ce conjoint imposé par sa famille. Une destinée commune à plusieurs femmes arabes et africaines. Mais celui de Noura Hussein, loin d’être seulement une destinée fatale, aura une tournure tragique.
En avril 2017, après avoir terminé ses études secondaires, elle a dû rejoindre son mari Abdulrahman Hammad. Mais elle refusait toujours à le laisser consommer le mariage en ayant des rapports sexuels avec lui. C’est ainsi que le 2 mai 2017, son mari la viola avec l’aide de son frère, un parent et un témoin. Le lendemain, ce dernier essaiera, seul de récidiver mais elle réussit à s’échapper dans la cuisine où elle s’empara d’un couteau :
- Ne t’approche pas de moi ou l’un de nous trépassera ce soir, l’avertit-elle.
- Eh bien, nous allons voir qui sera le premier, lui répliqua-t-il en s’avançant vers elle.
Dans la bagarre, elle le poignarda et il en mourut. Après l’incident, elle retourna chez sa famille et ses parents la livrèrent à la Justice. Le 29 Avril 2018, après un an passée en prison, Noura fut déclarée coupable d’« homicide volontaire » et a été condamnée à mort le 10 mai dernier. Ses avocats ont 15 jours pour faire appel.
Une sentence contestée par les organisations de défense des droits de l’homme.
La sentence de Noura, condamnée à mort par pendaison, fut immédiatement, contestée en masse, autant au Soudan que dans la diaspora. La campagne #JusticeForNoura, a ainsi été lancée sur les réseaux sociaux afin de solliciter l’annulation de cette peine par le président Omar Al-Bashir. Une campagne qui ne peut être effective sans le soutien d’organisations internationales telles que l’Union africaine, les Nations Unies et l’Union européenne.
Selon Seif Magango, Responsable en Afrique de l’Est d’Amnesty International :
« Les autorités soudanaises doivent annuler cette condamnation manifestement injuste et s’assurer que Noura ait droit à un nouveau procès, équitable, qui prend en compte ces circonstances atténuantes » La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant. L’appliquer à une victime ne fait que souligner l’échec des autorités soudanaises à reconnaître la violence qu’elle a endurée. […]» annonce un communiqué officiel.
« L’histoire de Noura est exceptionnelle. Car elle est accusée devant les tribunaux pour s’être défendue contre une tentative de viol » a déclaré Zaynub Affinih, une des initiatrices de la campagne #JusticeForNoura sur Change.org.
« Noura est une victime, pas une criminelle, et devrait être traitée comme telle. Dans de nombreux pays, les victimes comme Noura recevraient des soins pour s’assurer qu’elles surmonteront le traumatisme de leurs expériences » a déclaré Yasmeen Hassan, Présidente Mondiale d’Equality Now, qui a initié avec Afrika Youth Movement, la rédaction d’une lettre officielle de clémence au président Omar al-Bashir.
« Ceux qui déclarent que Noura Hussein mérite cette sentence n’ont probablement jamais été victime ou témoin de viol. La peur et le traumatisme que cela crée chez la victime est considérable. C’est la crainte d’avoir à subir ce terrible supplice durant le restant de sa vie qui a poussé Noura, dont le rêve était d’être enseignante, à commettre accidentellement l’irréparable » explique Ngnaoussi Cédric de Moremi Initiative for Women’s Leadership in Africa.
Il est temps de reconnaitre le viol conjugal comme un crime !
L’écrivaine Sara Elhassan a appelé à la criminalisation du viol conjugal au Soudan. En effet, dans la majorité des pays musulmans, le viol n’est point condamné ou considéré comme un crime. La loi soudanaise, qui repose sur la charia islamique, ne reconnaît pas le viol d’une femme par son mari. « Une femme mariée doit obéir à son mari. Si le mari a payé la dot et s’il fournit un logement convenable, sa femme ne peut pas refuser les rapports sexuels « , déclare l’article 91 de la loi soudanaise sur la famille, selon Dabangansudan.org
Selon Reuters, lorsqu’un crime de viol est signalé, il est souvent considéré comme un « Zina », le crime de relations sexuelles extraconjugales. En 2015, une nouvelle loi avait été introduite, laquelle redéfinissait le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle ayant impliqué une violence physique ou psychologique ». Dans le passé, la loi était ambiguë et très problématique. Dans la plupart des cas, lorsqu’une femme se plaint d’avoir été violée, elle est jugée pour adultère, a déclaré Hikma Ahmed, une avocate soudanaise.
L’initiative soudanaise No to Suppression of Women a lancé une campagne contre le jugement et fait pression en faveur de la criminalisation du viol conjugal en tant que forme de violence contre les femmes. De nombreuses militantes des droits des femmes arabes considèrent également cette condamnation injuste. Avec l’hashtag #JusticeForNoura, ils protestent contre le fait qu’on ne lui a pas accordé le droit à l’autodéfense contre les agressions sexuelles.
Beaucoup de personnes citent la charia en disant qu’avoir des rapports sexuels est un droit pour l’homme dans le mariage. Ils oublient cependant que, toujours selon l’Islam, le mariage sans consentement est illégitime. Aussi, « permettre à d’autres hommes d’entrer dans votre chambre pour aider à violer votre femme, c’est loin de tout ce que l’Islam tolère », a déclaré la journaliste Yousra Elbagir sur son compte Twitter.
La voix de Noura, la liberté des victimes et survivantes de viol conjugal
ONU Femmes affirme qu’au Soudan, la violence est prévalente contre les femmes et les filles. Le pays n’a pas signé la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes et dispose de faibles politiques de protection des droits de la femme. Ce pays est classé 165ème sur 188 pays selon l’Indice d’inégalité de genre de l’ONU. Une femme soudanaise sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans, selon ONU Femmes. La loi soudanaise autorise le mariage d’une fille une fois qu’elle atteint 10 ans.
Le cas de Noura permet ainsi d’attirer une fois de plus l’attention internationale sur l’état des droits de la femme sous le régime de Omar Al-Bashir. Car après tout, Noura n’est pas une criminelle mais tout simplement une victime d’une société machiste et patriarcale qui ne reconnait pas toujours pleinement les droits et libertés des filles et des femmes.
La criminalisation du viol demeure au centre des débats, le cas Noura Hussein favorisera-t-il la reconnaissance et condamnation de cette pratique ? La justice sera-t-elle rendue à Noura de même qu’aux autres victimes de ces crimes odieux ? La pétition en ligne sur Change.org, avec déjà plus de 235 000 signatures entend du moins, y parvenir.