En mars dernier, elles ont lancé un premier signal aux côtés du bassiste émérite Richard Bona. Beaucoup n’y ont pas prêté l’oreille, sans doute à tort. Le 28 juin, elles sont revenues à la charge en organisant un séminaire de sensibilisation dans la capitale économique assorti d’un thème évocateur : « Douala à l’école de la parité ». Elles, ce sont ces femmes de toutes les couches sociales réunies dans la plate forme « ensemble pour la parité » qui voient en ce concept, une véritable solution à divers problèmes d’ordre politique, économique et social. Parmi elles, Dr Edith Mongue-Din, coordinatrice du mouvement. C’est cette pharmacienne au verbe facile que nous avons approché pour comprendre les contours du nouveau combat des femmes …et des hommes au Cameroun.
Qu’est-ce que la parité
La parité est l’égale représentativité des hommes et des femmes dans toutes les instances libératives et sphères de décisions. Voilà ce que signifie la parité pour la plate forme « ensemble pour la parité ».
Que doit-on justement comprendre par la plate forme « ensemble pour la parité » ?
Ce qu’il faudrait retenir, c’est que ce sont des hommes et des femmes qui se battent pour l’institutionnalisation de la parité au Cameroun. Cette plate forme a, en son sein, une cinquantaine d’associations et de personnes ressources qui œuvrent d’habitude pour le respect des droits humains au quotidien. Toutes ces associations se sont réunies pour pouvoir se battre pour l’institutionnalisation de la parité.
Quel a été l’objectif du séminaire de sensibilisation tenu à Douala le 28 juin 2012 ? Est-ce que cet objectif a été atteint ?
En invitant la société civile, les politiques et les religieux dans ce séminaire, c’est d’abord pour sensibiliser les hommes et les femmes à ce concept de parité ; parce que pour beaucoup, la parité est quelque chose de très lointain qu’ils ne comprennent pas toujours. Pour qu’ils adhérent à ce combat, il faut qu’ils le comprennent. On doit les expliquer que ce n’est pas un combat des femmes contre les hommes, mais avec les hommes. C’est simplement pour que la société camerounaise soit plus juste, plus égalitaire. De ce fait, elle ira vers une démocratie réelle où les hommes et les femmes construisent ensemble notre pays.
A propos, quel rôle pourrait jouer les hommes dans ce combat?
C’est un rôle essentiel. Nous avons vraiment besoin des hommes. Quand nous avons organisé la première conférence en Mars dernier, nous avons invité l’artiste musicien Richard Bona, par ailleurs notre parrain. Il était question que l’opinion publique soit touchée. Que les gens comprennent qu’un homme est à nos côtés parce que ce n’est pas un combat contre les hommes. Si cela avait été le cas, vous êtes d’accord que Richard Bona ne serait pas venu. Il était là parce qu’il a compris le sens de notre combat. On ne peut pas réussir si les hommes ne sont pas à nos côtés.
Comment la parité impacte t-elle sur la vie politique, économique et sociale au Cameroun ?
Du point de vue politique, s’il y a la parité au Cameroun, beaucoup de femmes vont faire de la politique. Pour l’instant, elles ne le font pas parce qu’elles ont l’impression que les dés sont pipés. Elles se disent que comme d’habitude, elles seront au fond des listes, qu’elles ne seront pas bien positionnées et que par conséquent, elles ne vont pas passer. Si elles savent que les listes sont obligatoirement paritaires, elles savent qu’elles auront une chance de gagner. De ce fait, elles s’impliqueront davantage parce qu’elles se diront que les jeux ne sont pas faits.
Du point de vue économique, je voudrais reprendre ce que notre ami Marlyse Douala Bell (paneliste, Ndlr) a si bien dit au cours du séminaire. « La parité est un moteur de la croissance économique ; une plus grande participation des femmes aux activités économiques et à la gestion des collectivités territoriales décentralisées peut permettre d’accroitre la productivité, d’améliorer la salubrité dans les marchés, la santé maternelle et infantile mais aussi permettra de trouver une solution au problème d’accès des femmes à la terre ». En fait, en quelque sorte, c’est que les femmes qui représentent 45 % du Pib de notre pays sont des actrices très importantes. Il est normal que ces femmes soient là aux côtés des hommes pour diriger ce pays.
Et sur le plan social?
Ensuite, du point de vue social, notre ami Patricia Ndjandjo (paneliste, Ndlr) a développé ce concept sur le plan social. Ça commence dès le jeune âge par l’éducation. Nous devons faire comprendre aux femmes que la fille et le garçon sont égaux. Il faudrait déconstruire cette mentalité selon laquelle l’homme est au dessus de la femme ; dire aux garçons et filles qu’ils doivent faire les mêmes tâches, aller dans les mêmes écoles et faire les mêmes études. La jeune fille doit comprendre qu’elle a la même responsabilité que le garçon dans la conduite des choses de la vie politique, de l’Etat, de la nation ; très tôt, on doit leur inculquer cela. Avant, c’était les filles à la cuisine, les garçons devant la télé, avec un ballon ou à l’école. Il faut maintenant déconstruire tout ça.
Jusqu’où compte aller la plate forme ?
Notre combat, c’est l’institutionnalisation de la parité. Nous voulons une loi sur la parité absolue au Cameroun. C’est jusqu’où nous irons. Mais, cela ne veut pas dire que nous allons nous arrêter à ce niveau. Nous serons toujours comme des sentinelles pour s’assurer que les choses sont respectées, c’est-à-dire que l’implémentation de la parité au Cameroun est effective. Nous commençons par la loi et après peut- être par un observatoire de la parité pour s’assurer que la loi est respectée. Nous voulons être sûres que cette loi que nous allons obtenir sera bien observée.
Il est important que les gens puissent savoir ce qui est entrain de se passer en ce moment au Cameroun ; que les femmes ont dit que maintenant la parité est devenue pour elles une exigence.
Propos recueillis par EL christian