Cameroun: sortis de prison, ils se forment et travaillent

Ils font dans les arts plastiques, la mécanique auto, la menuiserie ou la soudure pour gagner honnêtement leur vie et trouver leur place dans la société. Un modèle de réinsertion avec l’ONG « Charité sociale humanitaire  » (Chasoh), qui affirme avoir casé 150 jeunes sortis de la prison de New-Bell à Douala.

Bernard Ajarb, cheveux courts, promène sa grande taille dans une salle de cinq mètres carrés encombrée par des toiles. Il est à la recherche d’un pinceau. Ce matin de juillet 2012, son agenda prévoit le portrait d’une dame. Un exercice qui peut durer des heures, voire des jours. « Il faut prendre son temps pour ressortir tous les aspects. Je fais rarement des portraits. Jusqu’ici, la plupart de mes toiles sont des paysages », lâche t-il avec un sourire.

50.000 F par tableau

L’histoire d’amour entre Bernard et les arts plastiques remonte au lendemain de son incarcération pour vol à la prison centrale de Douala en 2003. Approvisionné en matériaux par des âmes de bonne volonté, l’ex-mineur détenu faisait déjà de petits tableaux qu’il vendait aux visiteurs. A sa sortie de prison trois ans plus tard, il est approché par l’Ong « Charité Sociale Humanitaire « (Chasoh), qui se propose de soutenir son art. « Je n’ai plus de problème de matériaux. Le Chasoh s’occupe de ce volet et moi, je fais le travail. Quand nous vendons un tableau à 100.000 Fcfa par exemple, je peux gagner 40 à 50.000 Fcfa. Le reste est retenu par Chasoh pour l’achat du matériel », indique le jeune homme qui rêve déjà d’une carrière internationale.

Alain, lui, garde encore les pieds sur terre. Depuis que cet ex-détenu mineur a recouvré sa liberté après deux ans d’emprisonnement ferme pour complicité de vol à la prison de New Bell, il a bénéficié du même soutien que Bernard et se forme actuellement à la mécanique automobile dans un collège privé de la capitale économique.

150 ex-détenus réinsérés

Comme Bernard et Alain, de nombreux ex-détenus mineurs de la prison centrale de Douala ont été financièrement soutenus pour se former dans l’électricité, les arts plastiques, la mécanique auto, la soudure ou même le football. Selon madame Tagne Tapia, présidente du Chasoh, la continuité de la réinsertion socioprofessionnelle et familiale des ex-détenus mineurs se fait à plusieurs niveaux. « Nous laissons l’enfant choisir ce qu’il veut faire après sa sortie de prison. Certains préfèrent qu’on paie leur formation dans les établissements partenaires ; d’autres sont inscrits dans des lycées et collèges pour poursuivre leurs études ou dans des ateliers de formation pour apprendre à lire et à écrire. Il y en a aussi qui se forment en arts plastiques au centre », explique-t-elle.

En douze ans, l’organisation affirme avoir réinséré plus de cent cinquante ex-détenus mineurs de cette prison, parfois même en dehors du cadre de la formation. « Il arrive qu’après une seule causerie éducative et une prise en charge psychosociale, un jeune reprenne confiance en lui, revoie ses erreurs  et refasse sa vie sans plus passer par vous », indique Dame Magne. Elle ajoute cependant que les difficultés financières pourraient ralentir la passion qui anime le Chasoh.

Autonomie financière

En attendant, l’Ong peut encore compter sur le soutien de certains de ses anciens pensionnaires installés à leur compte ou qui travaillent dans des entreprises locales et internationales. Cette réussite socioprofessionnelle crée de l’émulation dans la génération actuelle des ex-détenus mineurs en formation, à l’instar de Bernard. « Grâce aux toiles que je vends, j’ai de quoi manger et me payer le transport jusqu’à l’atelier. L’art n’est pas facile quand on n’a pas encore un nom. On peut passer six à huit mois sans vendre un tableau. Mais, quand je vois comment les grands frères ont réussi, ça me motive. Jusqu’ici, j’ai évolué avec d’autres artistes. En fin d’année, je compte organiser une exposition individuelle pour avoir plus d’autonomie financière », espère-t-il.

C’est également le souhait des Nations Unies qui, dans ses règles minima de traitement des détenus, recommandent qu’il faut donner une formation professionnelle utile aux détenus et particulièrement aux jeunes. Avant de conclure que « ce travail doit être, dans la mesure du possible, de nature à maintenir ou à augmenter leur capacité de gagner honnêtement leur vie après la libération ».

EL Christian

Avec Jade.