Conférence du 20 Décembre 2012 à l’INSEEC de Paris : Chine, Afrique et France

Thierry Barbaut représentant Info Afrique pour la partie France à participé avec M. Hu ZiHeng et M. Guy Gweth du cabinet knowdys à la conférence de l’INSEEC de Paris, avec pour thème : Les investissements Chinois en Afrique.

 

Guy_Gweth_Thierry_BarbautSur la première question : Regard des Français sur l’investissement chinois en Afrique
Thierry Barbaut : Selon moi la première solution pour sortir de la crise serait de se réinstaller massivement et intelligemment en Afrique, passant par un organisme semi privé et semi état. Nous constatons que les migrations s’inversent, l’Angola, le Mozambique, le Ghana, le Nigéria, l’Afrique du Sud, tous les signaux économiques sont positifs !

La France doit revoir sa stratégie sans regarder en arrière et en évaluant les possibilités de coopération avec les pays émergents, Chine bien sûr mais aussi Brésil et certains pays qui investissent massivement en Afrique comme la Turquie (Ligne ferrée en Ethiopie).

Les Français, l’histoire de l’Afrique:
De 1830 à 1960 soit 130 années ! Avec l’installation de notre système administratif qui, cumulé à des problèmes endémiques de corruption ont compliqué le développement économique et industriel de l’Afrique Francophone. Nous constatons aujourd’hui un décalage économique entre l’Afrique Anglophone et l’Afrique Francophone.

Les Chinois se sont installés massivement en Afrique quand nous avons commencé à perdre pied, à la période des indépendances entre les années 60 et 70.

Je pense qu’aujourd’hui la France souhaiterait plutôt freiner l’influence de la Chine en Afrique, les Français voudraient que l’on ne passe plus par eux, et être donc plus consultés sur les choix de développement. Mais ce sont les puissants qui préconisent les voies à suivre…

Ce que pensent les Français des Chinois :

Hélas les Français connaissent peu de choses des Chinois avec qui ils sont en concurrence … Nous nous basons sur ce que nous avons appris à l’école, ce que nous entendons dans les médias, ce que nous lisons et bien sûr le mélange de tout cela permet de créer des raccourcis bien étranges : Le mauvais « made in china » ce pays qui ne respecterait pas les droits de l’homme etc… Un vision erronée et simpliste d’une des premières puissances économiques mondiale.

La chine est géographiquement et culturellement à l’opposé de nous, la culture asiatique est souvent perçue comme obscure par les pays « latins ».
Pourtant, la Chine est en pleine mutation, et même si nous ne le percevons pas toujours, ce pays colossal est en plein développement, et les ressources nécessaires se trouvent partout dans le monde, surtout en Afrique, une aubaine pour la Chine, mais peut être aussi pour les Africains…

part-de-marche-afriqueUn des points essentiels que j’ai constaté en voyageant en Afrique est que les Chinois ne nous remplacent pas par combat économique, mais plutôt par analyse du besoin.
Ils arrivent depuis longtemps peut être sur le continent Africain, mais en masse depuis peu… Et ils ont une vision vierge des marchés et des besoins, et là est le mot clef : BESOIN.

Alors que nous, Français, nous évertuons à vendre et à proposer ce qui nous semble le mieux, le plus sûr, le plus fiable, nous passons à côté du besoin, ce mot essentiel, nous aimerions IMPOSER notre offre…
Mais depuis ces années glorieuses, le monde a changé et notre offre ne correspond plus…
Celle des Chinois oui, ils ont réussi là où nous avons échoué, évoluer en proposant une offre en adéquation avec le besoin.

J’explique par deux superpositions :
Pourquoi tout ce que nous achetons en France est maintenant fait en chine, parce qu’ils répondent à une demande, du low cost. C’est exactement comme le fait que nous ne parvenons pas à vendre plus de Peugeot ou de Renault haut de gamme en France, nous vendons beaucoup plus des Dacia la marque low cost de Renault, car elle, et quasiment elle seule répond à la demande, au fameux besoin !

chine_afriqueEn Afrique avec les Chinois c’est pareil, les concessions de motos Japonaises, très souvent tenues par des Français ne vendent plus de Honda, de Yamaha ou de Kawasaki, elles sont concurrencées et détrônées par les motos chinoises, identiques en look mais 4 fois moins chères, et pas 4 fois moins solides, peut être deux fois, mais il vaut mieux changer une pièce de temps en temps que ne pas pouvoir accéder à un véhicule.
Les motos chinoises ont littéralement envahi l’Afrique, et rendu accessible à des millions de gens le fait de pouvoir se déplacer partout facilement avec d’innombrables avantages comme bien sûr, le coût d’acquisition mais aussi la faible consommation, 2,5 litres au 100, soit trois fois moins qu’une japonaise.

Il faut bien aussi voir que les Chinois répondent concrètement à une demande et que par ce fait ils sont puissants sur le marché, et que s’il faut construire autre chose ou construire différemment ils le feront. Par exemple, pour produire du très haut de gamme. Ils sont prêts et n’attendent que le signal.

Nous voyons ainsi des marchés automobiles, industriels ou textiles nous échapper, Les entreprises françaises ont fermé 800 filiales en deux ans  et nous sommes résignés car souvent incapables de concurrencer un pays qui va adapter sa production aux différents besoins. Ce que nous ne sommes pas capables de faire. Nous ne parvenons pas à ajuster nos coûts, nous sommes figés dans un seul modèle.
Les Français ne sont pas aidés ou soutenus par les politiques, la France n’accompagne pas assez ses entrepreneurs en Afrique, l’état donne de mauvais signaux, souvent très mal interprétés par les politiques Chinois qui eux, justement aident beaucoup les entreprises à s’implanter sur différents continents et pays.

pdm-france-chine-afriqueIl faut aussi prendre en compte le fait que nous ne donnons pas de bons signaux aux investisseurs, nous sommes perçus comme un pays qui fait la chasse aux riches, les exemples de Bernard Arnault humilié en une de libération, d’Arcelor Mittal ouvertement critiqué par le gouvernement Français pour les hauts Fournaux d’Arcelor.
A quoi jouons-nous et quel signal donnons-nous aux étrangers souhaitant investir en Afrique ?

C’est extrêmement dommage car la France jouit d’une bonne réputation en Afrique, les années de colonisations sont passées, et la langue Française est restée ancrée dans de nombreux pays, les Africains, rêvent encore de la France, ils ne peuvent pas imaginer l’ampleur de la crise que nous sommes en train de subir.
En 2050 il y aura 700 millions de gens qui parleront le Français dans le monde et 80% seront en Afrique !

La situation a changé, comme un pays d’Afrique, nous faisons partie intégrante de l’Europe, et cette Europe est malade économiquement et ne produit plus…
Alors je conseille aux investisseurs et aux gens de regarder l’Afrique, de coopérer et de profiter d’un continent qui a lui seul possède 7 des 10 pays à plus fort taux de développement en 2011.
La Chine devra délocaliser ses industries et aura besoin de coopération, avec les Africains mais aussi avec les expertises métiers, et la France reste experte dans de nombreux domaines : L’aéronautique, les mines, les technologies, les télécoms, les ports, le fret etc…

J’ajouterai qu’il ne faut plus regarder l’Afrique comme le continent des matières premières mais comme le continent du capital Humain, 54 pays et 1 milliard d’habitants, mais 2 milliards prévus en 2050 !

 

  •    Points Clés      destinés aux français pour les aider à mieux développer des affaires en Afrique

La France doit repositionner en tant qu’acteur majeur en Afrique, mettant en avant ses compétences et son inestimable expertise.

paysIl faut aussi savoir s’entourer de professionnels qui aiment l’Afrique, pas les matières premières ou les spécifiés de business du continent mais aussi les cultures, les populations, et tout ce qui permet d’en faire partie à part entière, il faut des passionnés.
J’ai souvent rencontré des expatriés de grandes entreprises installées en Afrique qui avaient des postes très techniques et de très bonnes connaissances métiers, mais ils n’étaient pas ravis de travailler en Afrique, ce n’était pour eux qu’un passage obligé. La chaleur, les conditions de vie en général ne leur plaisaient pas du tout.

Selon les prévisions en 2050 il y aura 700 millions de gens qui parleront le Français dans le monde et 80% seront en Afrique.

Notons que l’augmentation des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique s’est accrue de 83% et se porte à 166 milliards de dollars pour 2011. Et que, à part le Congo, tous les pays Africains cités sont Anglophone.

Il faut aussi que les Français changent de mode de communication afin de pouvoir communiquer une image forte, dynamique et ainsi s’associer avec les pays qui veulent se développer. Ils sont nombreux, mais les cartes sont redistribuées ? Profitons-en ?

 

La France disposait de presque la moitié de l’Afrique en 1950, aujourd’hui il n’en reste rien !

empire_francaisA l’époque où nous étions les grands décideurs, dans les années de fin de colonisation et de début d’indépendance, dans la période 1960 1970, nous pouvions laisser le pouvoir aux Africains en plaçant directement de nouveaux décideurs, aux plus hauts postes voire même en tant que chefs d’états.

Ce fut même le cas dans des pays où nous n’étions pas les colonisateurs, comme la République Démocratique du Congo anciennement nommée Zaire, où le duel Mobutu – Lumumba représentait un duel Belgique/France contre les Américains, qui derrière Mobutu contrôlera le marché grandissant du Cuivre. Il faut savoir qu’en 1980 Mobutu était un des hommes les plus riches du monde.

Les pays émergents : Aujourd’hui nous avons perdu notre place, l’Afrique s’émancipe et se place ainsi sur le devant de la scène. C’est positif pour l’ensemble des pays contributeurs, l’Afrique ne va plus négocier avec ses amis de longues dates, les Français, mais avec les Chinois, les brésiliens, et les relations changeront avec les années. Cela permettra aux Africains de prendre le meilleur de l’offre mondiale. Et à nous, Français, de nous replacer sur l’échiquier Africain des affaires.

Avec les Chinois aujourd’hui les Africains voient de nouvelles perspectives, de nouveaux marchés, avec pour eux comme pour les Français, les bons et les mauvais côtés.

Thierry Barbaut

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.