En Tanzanie les commerçants cherchent de l’aide face aux Chinois…

Des personnages chinois audacieusement peints sur une affiche de supermarché dans la capitale économique de la Tanzanie, Dar es Salaam, en disent long sur l’influence croissante de la Chine sur ce pays d’Afrique de l’est.

Au quartier des affaires de Kariakoo, situé à un jet de pierre du centre-ville, pratiquement tout le monde a une histoire à raconter sur la façon dont la zone se transforme rapidement en un « Chinatown » en raison de la présence massive de commerçants chinois qui s’engagent dans le petit commerce ici.

« Le monde est rude et difficile. Ce n’est pas un secret que la plupart d’entre nous ne peuvent pas rivaliser avec les commerçants étrangers qui semblent être plus malins. Le gouvernement devrait nous protéger », déclare à IPS, Zuwena Simba, une commerçante à Kariakoo.

Mais Joseph Xinli, un vendeur de fleurs chinoises sur le marché, indique à IPS: « Je suis très fier d’être ici parce que c’est la seule occasion pour moi de gagner de l’argent et de mettre en valeur notre culture. Nous devons montrer au monde ce que la Chine a à offrir ».

chinois-africainLes autorités municipales estiment qu’il y a plus de 100.000 ressortissants étrangers travaillant illégalement actuellement à Dar es-Salaam. Alors que le ministère de l’Industrie et du Commerce n’a pas de chiffres exacts, on estime que chaque année, des milliers d’entrepreneurs chinois viennent ici pour travailler comme vendeurs ambulants ou petits commerçants.

Les marchands chinois – qui vendent une gamme de produits, notamment des ustensiles de cuisine, vêtements, rideaux, gadgets électroniques, téléphones portables, parapluies et la médecine traditionnelle – semblent être en train de faire de bonnes affaires.

Mais, selon le ministère de l’Industrie et du Commerce, la plupart des Chinois qui gèrent de petites entreprises le font illégalement, puisque beaucoup opèrent sans l’investissement en capital minimal de 100.000 dollars. En Tanzanie, les étrangers sont autorisés à ouvrir des entreprises seulement s’ils investissent ce montant minimal.

Selon la Loi 1997 sur l’investissement, un investisseur potentiel doit déposer une caution minimale de 100.000 dollars auprès du Centre des investissements de Tanzanie (TIC) – un organisme gouvernemental chargé de donner aux investisseurs des droits dérivés.

Le directeur des Promotions des investissements au TIC, John Mnali, déclare à IPS que s’il est prouvé que des investisseurs ne mènent pas les activités énumérées sur leurs licences commerciales, la loi devrait être appliquée.

« La loi est claire comme l’eau de roche. Nous pourrions, à notre seule discrétion, annuler la licence de toute personne qui tente de défier la procédure en matière d’investissement – avant qu’une action juridique ne soit menée », a-t-il expliqué.

Les autorités affirment également que les commerçants chinois inondent aussi le marché avec des produits contrefaits. La Confédération des industries de Tanzanie estime que la Tanzanie perd jusqu’à 20 pour cent du total des recettes nationales à cause de la contrefaçon.

Mais Zheng Chong, qui vend des rideaux à Kariakoo, rejette l’idée répandue selon laquelle les commerçants chinois inondent le marché local avec des produits contrefaits, et font sortir les locaux des affaires. Il estime que le marché est guidé par les principes de l’offre et la demande.

« Nous n’avons enfreint aucune loi, donc il n’y a absolument aucune raison que quelqu’un nous haïsse, nous faisons tout simplement des affaires », déclare-t-il à IPS.

Cependant, une promenade à travers le marché révèle des postes radio, téléphones portables, appareils électroménagers et même des médicaments contrefaits.

Lazaro Msasalaga, un agent principal d’assurance au Bureau tanzanien des normes, indique à IPS que l’importation de « produits contrefaits et de qualité inférieure est sans aucun doute un gros problème pour notre pays ».

« Bien que nous essayions de notre mieux de réduire [la vente de] ces produits, nous ne réussissons toujours pas du fait d’un manque de sensibilisation du public, de l’insuffisance des ressources et d’une mauvaise coordination entre les autorités », souligne-t-il.
« Nous devons trouver une approche commune qui [mettra fin à] cette pratique illégale à travers le renforcement du contrôle au niveau des points d’entrée ».
La Loi 2003 sur la concurrence loyale stipule que quiconque vend des produits contrefaits est en train de commettre une infraction pénale. L’article 15 (1) de la loi dit: « Nul ne peut, dans le commerce, s’engager dans un comportement qui est mensonger ou trompeur ou susceptible d’induire en erreur ou de tromper ».

Mais des analystes estiment que bien que la Tanzanie dispose de plusieurs lois et politiques visant à freiner la vente de produits contrefaits, elles ne suffisent pas pour éliminer complètement le problème.

Consultant juridique, Goodluck Chuwa, qui se spécialise dans le droit des affaires, affirme que le pays a besoin d’avoir une loi globale qui traite de la question. Il ajoute que le gouvernement doit désigner un seul organe de régulation pour contrôler l’importation de ces produits.

« Tout le monde est affecté d’une manière ou d’une autre par ces produits. A moins que nous ayons une loi spécifique qui traite de ces produits, nous ne pouvons pas les empêcher d’entrer sur le marché local »,

Avec IPS

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur Afrique et pays émergents chez 42 www.42.fr et consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.