Tanzanie: Des communautés côtières obligées de boire l’eau de mer

PANGANI, Tanzanie,

– La réserve d’eau douce potable de la ville côtière de Pangani, dans le nord-est de la Tanzanie, est de plus en plus contaminée puisque de l’eau salée s’y infiltre constamment à partir de l’océan Indien.

Le fleuve Pangani long de 500 kilomètres et les aquifères souterrains sont les principales sources d’eau potable pour des milliers d’habitants de la ville de Pangani, située à environ 400 km au nord de la capitale, Dar es Salaam. Au cours des dernières décennies, la montée de l’océan siphonne l’eau douce et fait infiltrer l’eau salée dans les aquifères et les puits.

La diminution des précipitations a également fait qu’il est difficile de reconstituer des réserves d’eau douce. Mais les habitants de la ville de Pangani déclarent que certains puits souterrains, qui résistaient auparavant à l’infiltration de l’eau salée, sont désormais contaminés.

tanzanie-eau-salee« La vitesse à laquelle le sel dissous s’infiltre dans les sources d’eau douce est assez alarmante; nous devons être plus vigilants pour maîtriser cette situation », a indiqué, Hamza Sadiki, un chercheur à la Commission de l’eau du bassin de Pangani. Il affirme que la plupart des sources d’eau ont été contaminées, ne laissant aux gens aucun autre choix que de boire de l’eau salée.

Des scientifiques ont lié ce problème croissant en partie aux changements climatiques. Selon l’Agence pour la protection de l’environnement, comme les niveaux de la mer montent, l’eau provenant de l’océan inondera les marécages et d’autres terres basses, intensifiera les crues et augmentera la salinité des rivières et des nappes phréatiques.

Selon une étude réalisée en 2011, intitulée « L’économie des changements climatiques en Tanzanie », publiée par le gouvernement tanzanien en collaboration avec le ministère britannique du Développement international, l’évolution des conditions météorologiques dans cette nation d’Afrique de l’est rendra ses communautés côtières plus vulnérables à la montée des niveaux de la mer.

Déjà, bon nombre le long de la côte ont été obligées de boire de l’eau ayant des niveaux élevés de sel soluble et beaucoup se préparent à un avenir sombre puisqu’elles attendent désespérément que le gouvernement améliore la qualité de leur eau.

« L’eau salée constitue un grand problème ici, mais nous la buvons quand même, puisque l’eau douce est devenue rare. Tous les puits fournissent de l’eau salée – nous avons besoin d’aide », a indiqué, Amran Shamte, 65 ans, un habitant de la localité. Il se souvient de l’époque où il allait à l’école dans les années 1960 lorsque des crocodiles étaient fréquemment observés près de l’embouchure du fleuve.

Aujourd’hui, dit-il, les crocodiles se sont déplacés plus en amont puisqu’ils ne peuvent pas supporter l’infiltration de l’eau salée dans leur réserve d’eau douce.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, le niveau acceptable de sels dissous dans les eaux douces à partir des lacs, fleuves et des eaux souterraines se situe entre 20 et 800 milligrammes par litre (mg/l).

Mais les échantillons d’eau prélevés par des chercheurs de la Commission de l’eau du bassin de Pangani montrent que le total des niveaux de sel soluble en aval du fleuve Pangani est de 2.000 mg/l, bien au-delà des normes acceptables.

« C’est pour cette raison que le gouvernement a décidé de définir ses propres normes d’eau salée pour permettre aux gens dans les communautés côtières de boire cette eau », a souligné, Arafa Maggid, un ingénieur de la Commission de l’eau du bassin de Pangani.

Sabas Kimboka, un nutritionniste au Centre pour l’alimentation et la nutrition en Tanzanie, déclare que l’eau salée buvable sur une longue période de temps pourrait être potentiellement dangereuse pour la santé humaine puisque le sel déshydrate le corps.

« Il n’existe aucune quantité d’eau de mer sûre à boire, le sel vous rend plus déshydraté et vous oblige à boire plus d’eau douce [que] vous n’avez probablement pas« , explique-t-il.

Mohamed Hamis, un ingénieur de l’eau à l’autorité du district de la ville de Pangani, indique à IPS que l’intrusion de l’eau salée a atteint 10 km en amont du fleuve, faisant qu’il est difficile pour l’autorité de fournir de l’eau douce, en particulier pendant la marée haute. L’autorité de la ville pompe désormais l’eau seulement pendant la marée basse et envisage de déplacer la pompe plus en amont, souligne-t-il.

« Certains de ces villages sont très près de l’océan, et la nappe phréatique est déjà profondément infiltrée par des sels en dissolution », affirme Hamis. Ils n’ont pas encore procédé à un recensement pour déterminer le nombre de personnes touchées.

Il ajoute que le gouvernement envisage d’embaucher des experts pour forer des puits de barrière d’eau salée pour protéger les nappes souterraines contre la contamination, mais ce projet dépendra de la disponibilité des fonds.

Selon Hamis, dans certains villages, deux grands puits souterrains sur trois sont fortement contaminés par l’intrusion saline. Par conséquent, certains habitants ont été obligés de parcourir de longues distances avant de trouver de l’eau douce.

Pour aider à endiguer ce problème croissant, le gouvernement encourage les communautés locales qui vivent près de l’océan Indien, à se déplacer plus à l’intérieur où les sources d’eau sont moins contaminées. Mais beaucoup disent qu’elles ne peuvent se déplacer nulle part puisqu’elles n’ont pas les moyens de le faire.

« C’est dommage que la plupart des gens boivent de l’eau salée dont la salinité dépasse les normes acceptables, mais nous ne pouvons pas leur dire tout simplement de ne pas la boire », explique Hamis, affichant son inquiétude par rapport à la décision du gouvernement d’augmenter les normes acceptables de salinité de l’eau au-delà des niveaux internationaux.

Avec IPS

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur Afrique et pays émergents chez 42 www.42.fr et consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.