Le téléphone mobile pour sonder les populations

Accélérer la collecte des données via des enquêtes par téléphone portable

Dans les centres de santé des villes tanzaniennes, les malades doivent attendre en moyenne 76 minutes avant de voir un médecin qualifié.

En septembre 2014, 82 % des foyers de Lomé, la capitale du Togo, avaient le sentiment que la fréquence des coupures d’électricité avait diminué par rapport aux six mois précédents (mars 2014).

Ces statistiques ont été établies à partir d’enquêtes. Alors que l’action publique s’appuie de plus en plus sur la mobilisation de données, elles peuvent aider les décideurs à analyser leurs politiques et à les ajuster en continu pour mieux répondre aux besoins des populations. De fait, la réalisation d’enquêtes régulières est un bon moyen d’apprécier l’efficacité de l’action gouvernementale et des programmes de développement.

De plus, les enquêtes auprès des ménages qui mesurent les indicateurs socioéconomiques sont essentielles pour effectuer un suivi des conditions de vie et des progrès accomplis au regard des deux grands objectifs que nous poursuivons : mettre fin à l’extrême pauvreté et favoriser une prospérité partagée. Mais, entre chaque grande enquête, on manque de données, et il est aujourd’hui clairement nécessaire de trouver des manières plus rapides et moins coûteuses de collecter des données et de faire en sorte qu’elles soient plus maniables.

En Afrique subsaharienne, du fait de l’isolement et de la diversité des populations, ces enquêtes étaient auparavant onéreuses et compliquées sur le plan logistique. Mais, dernièrement, le foisonnement des réseaux de téléphonie mobile et de combinés bon marché a changé la donne et ouvert de nouvelles pistes pour la collecte des données. Des pistes que la Banque mondiale a décidé d’exploiter en lançant le programme Listening to Africa (« à l’écoute de l’Afrique »), dont le but est de tirer parti des technologies mobiles pour faciliter le suivi de l’évolution des conditions de vie et l’évaluation des programmes. Il s’agit de compléter les données de référence issues des enquêtes classiques auprès des ménages par des entretiens réalisés ultérieurement par téléphone portable auprès d’une sélection de personnes.

En collaboration avec les instituts de statistique nationaux et les ONG présentes dans la région, le programme Listening to Africa (ou L2A) expérimente l’utilisation de téléphones portables pour collecter des données haute fréquence sur les conditions de vie. Et comme il s’agit d’un partenariat avec les instituts de statistique nationaux des différents pays qui vient compléter les enquêtes existantes, cette initiative diffère radicalement des opérations basées sur le crowdsourcing, car elle s’appuie sur un échantillonnage statistique fiable. Elle a été déployée à Madagascar, au Malawi, au Mali, au Sénégal, en Tanzanie et au Togo.

Si le programme a pour but d’évaluer le bien-être et le statut socioéconomique des ménages, au Mali, il contribue à collecter des données sur les conditions de vie des populations déplacées et vivant dans des camps de réfugiés au Niger et en Mauritanie à la suite de la crise qui sévit dans le nord du pays.

Comment ça marche ?

L’opération commence par une enquête en face-à-face auprès des ménages, qui sert de base de référence. Celle-ci permet de s’assurer que l’échantillon, qui est sélectionné de manière aléatoire, est représentatif de la population cible. À ce stade, l’équipe de terrain confie un téléphone aux ménages interrogés et, dans certains cas, un chargeur solaire. Ensuite, les participants reçoivent une formation pour être en mesure de répondre à des questions par téléphone portable. Après cette enquête initiale, les entretiens sont réalisés à partir de centres d’appel. Les répondants sont appelés une fois par mois. Ce sondage inclut des questions générales sur le bien-être du ménage, qui évoluent chaque mois. Le contenu des entretiens mensuels est pensé de manière à offrir un maximum de souplesse et d’adaptabilité.

Ces entretiens sont réalisés sous la forme d’appels téléphoniques (et non par SMS), pour permettre aux personnes qui ont des difficultés de lecture ou d’écriture de participer au programme. Ils s’effectuent dans les langues locales et n’entraînent aucun frais pour les sondés. À la fin de l’entretien, ces derniers reçoivent une récompense sous la forme d’un petit crédit téléphonique.

L’intérêt de ces enquêtes téléphoniques fréquentes réside dans le fait qu’elles permettent de réaliser des analyses détaillées et de fournir des données rapidement pour informer les décisions politiques. Vous pouvez accéder dès maintenant à certains résultats ici, mais il est prévu que toutes les données soient publiées, accompagnées de courts rapports et de questionnaires.

L’objectif ultime du programme est d’élaborer un système d’enquêtes téléphoniques à haute fréquence qui pourrait être intégré aux systèmes statistiques nationaux, au même titre que les recensements, les enquêtes classiques et les autres données administratives. Un tel système vise à compléter les enquêtes traditionnelles auprès des ménages et à combler les lacunes de données en fournissant, à moindre coût, des informations sur le bien-être des populations de haute qualité, en temps réel et actualisées. Certes, ces entretiens téléphoniques ne sont pas appropriés pour les enquêtes traditionnelles et les longs entretiens auxquels elles donnent lieu, mais cette approche innovante convient parfaitement à d’autres fins : effectuer le suivi d’une situation qui évolue rapidement, recueillir l’avis des ménages, collecter des données sur les prix, réaliser des sondages d’opinion, identifier des situations d’urgence (signes avant-coureurs et suivi), etc.

Intérêt croissant pour trouver des manières rapides et efficaces de mesurer les progrès accomplis à intervalles réguliers, évolution constante des technologies : le périmètre de ce type de programmes est appelé à s’étendre. Nous vous invitons à visiter le site du programme L2A, à l’ajouter à vos favoris et à suivre notre actualité.

Christian Arshavin
Christian Arshavin, diplômé dans le graphisme à l'Institut Technique Salama, habite à Lubumbashi en RDC. Etudiant à Maria Malkia, une université de sciences informatiques avec une spécialisation en "Technologie et Réseaux".