L’afrique est un continent jeune qui ne sera pourtant pas épargné par la vieillesse de sa population

Paradoxe. L’Afrique est un continent jeune, avec seulement 5,5 % de sa population âgée de plus de 60 ans, contre 9,9 % en Asie, 10 % en Amérique latine et 21,7 % en Europe.

« S’intéresser au vieillissement de la population en Afrique peut donc paraître prématuré. En réalité, le processus a déjà débuté et devrait progresser rapidement », affirme une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) publié dans Population et Sociétés.

« Dans les quarante prochaines années, la proportion des 60 ans et plus devrait doubler dans de nombreux pays africains si la fécondité continue de baisser au rythme actuel », expliquent les auteurs. D’ici 2050, le nombre des personnes âgées de plus de 60 ans quadruplera en Afrique, passant de 56 à 215 millions, soit presque autant qu’en Europe (241 millions).

Le continent africain compterait alors 22,5 millions de personnes de 80 ans et plus, soit cinq fois plus qu’aujourd’hui. Ce vieillissement de la population, à un rythme beaucoup plus rapide que dans les pays développés, posera un certain nombre de défis.

Prise en charge

Traditionnellement, la prise en charge des personnes âgées en Afrique repose en grande partie sur la solidarité. Dans le futur, les familles auront de plus en plus de mal à répondre convenablement aux besoins spécifiques des aînés, de plus en plus nombreux, si elles ne sont pas soutenues et relayées par des politiques publiques adaptées.


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Quasi-absence de système de retraite

« Pour la grande majorité des Africains, il n’y a pour l’instant pas de retraite au sens où on l’entend pour les pays du Nord », constate l’étude.

Dans nombre de pays, seuls les fonctionnaires et les employés des grandes entreprises touchent une retraite, soit moins de 10 % des personnes âgées. Évidemment, les situations sont très variables d’un pays à l’autre et au sein d’un pays. Au Maroc, par exemple, si 16 % des plus de 60 ans perçoivent une pension de retraite, seules 3 % des femmes de cet âge sont pensionnées contre 30 % des hommes. Et en Afrique australe et à Maurice, la couverture des systèmes de pension est bien plus développée.

Le travail après la retraite

Même lorsque des pensions sont versées, elles sont souvent très modestes. Bien souvent, tant que leur santé le leur permet, les hommes comme les femmes continuent à exercer une activité. Plus d’un tiers des personnes âgées continue à occuper un emploi au Sénégal et plus de la moitié d’entre elles déclare exercer une activité professionnelle au Congo.

Lorsqu’une personne âgée, qui ne touche pas de pension, ne peut plus travailler, elle ne peut compter que sur son réseau familial. L’Ined s’en inquiète :

« Or, on peut s’interroger sur la capacité future des familles à accompagner la vieillesse et l’éventuelle dépendance des aînés, sans le soutien de politiques publiques adaptées, en particulier pour l’accès aux soins. »

L’étude note que « des changements sociaux et économiques majeurs s’observent à l’échelle du continent et ont des répercussions sur les organisations familiales ». Les jeunes générations cherchent partout à s’émanciper de « la tutelle des aînés » et « le statut social » des personnes âgées est « moins valorisé qu’auparavant ».

L’exode rural a aussi bouleversé les structures familiales. Dans les villes, les logements sont plus petits et plus chers. Urbanisation, diplômes, études, et travail des femmes changent les modes de vie et contribuent à affaiblir le soutien aux aînés.

Il est donc nécessaire pour les pays africains de mener « des politiques publiques adaptées », selon l’Ined, afin de relever les défis futurs liés au vieillissement de la population :

« Des politiques ont déjà été engagées dans ce sens. Par exemple, dans le domaine de la santé, le Régime d’assistance médicale en cours de mise en place au Maroc, ou le Plan sésame lancé en 2006 au Sénégal, devraient tous deux alléger la charge financière de la santé pour les personnes âgées. Dans le domaine des revenus de remplacement, on peut citer les initiatives est-africaines de pensions universelles. Ces dispositifs ne devraient pas affaiblir les solidarités familiales, mais au contraire leur permettre de perdurer.  »

Désormais, la protection sociale et la retraite doivent entrer dans le champ du politique en Afrique ; préparer l’adaptation des sociétés africaines au fort vieillissement à venir nécessite par conséquent d’agir dès à présent pour améliorer l’accès de chacun à l’éducation, l’emploi et la santé. « Les efforts à fournir en matière de développement des systèmes de protection sociale doivent ainsi être considérés comme un investissement social et pas seulement comme un coût », conclut l’Ined.
Thierry Barbaut

 

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.