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L’Afrique doit miser sur son capital humain plus que sur ses matières premières

En Afrique subsaharienne, la plus grande richesse n’est pas dans le sous-sol, mais dans l’humain, et notamment les générations futures.

L’Afrique subsaharienne est en plein essor. Le pouvoir d’achat moyen de la région autrefois considérée comme le cœur du «continent sans espoir» a augmenté d’un tiers au cours des dix dernières années, et l’investissement étranger y coule à flot.

Cependant, il est facile de passer à côté des différences énormes qui existent entre les 48 pays qui la composent. Certains, comme la République démocratique du Congo, souffrent encore de conflits et d’une mauvaise gouvernance, mais d’autres — Même des pays négligés par les investisseurs, comme le Burundi— sont en train de jeter les fondations de la prochaine étape de leur croissance en investissant dans leur population.

Le problème avec l’Afrique subsaharienne commence avec sa dénomination justement, dont la teneur déborde du cadre de la géographie. De plus en plus souvent, ce terme désigne une région qui ne comprend pas l’Afrique du Sud, considérée comme un pays relativement développé et au revenu moyen, où le pouvoir d’achat correspond en moyenne à celui de la Serbie ou du Pérou. À cette aune cependant, il faudrait aussi en exclure l’île Maurice. Certains écartent également le Nigeria, riche en pétrole, malgré sa lutte constante contre la pauvreté.

Décréter l’existence d’un groupe unique dans une région aussi variée n’a aucun sens. Ce qui n’empêche pas la plupart des entreprises internationales et des agences gouvernementales de découper le monde en régions, poussant ainsi les pays subsahariens à rivaliser pour attirer l’attention des grands investisseurs et décideurs du monde. Ces derniers temps, cette compétition est devenue particulièrement rude.

Les leaders de la région ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Il y a naturellement certains favoris bien établis qui sautent aux yeux. Parce qu’il est facile d’y faire des affaires, selon les critères de la Banque mondiale, le Rwanda, le Botswana et le Ghana sont mieux classés que plusieurs pays de l’Union européenne. Le Rwanda et le Ghana affichent également de très bons résultats dans le domaine de la protection des droits de propriété — élément crucial pour attirer les investisseurs étrangers.

La prochaine génération

Mais grattez un peu le vernis, et vous verrez que nombreux sont les candidats méritant de retenir l’attention des investisseurs. Dans ces pays, le progrès ne se mesure pas tant en termes de climat économique, ni même de niveau de sécurité ou de qualité de gouvernance, que de potentiel économique en cours de construction. Ce potentiel ne se mesure pas à l’aune des expériences des chefs d’entreprise et des consultants répondant à des enquêtes à l’échelle mondiale, mais plutôt à celle du développement des capacités humaines de la prochaine génération de travailleurs et de consommateurs.

Les entreprises qui veulent se lancer sur les marchés subsahariens constatent des tendances évidentes en termes de capacités humaines. Par exemple, dans le domaine du développement humain global tel que l’évalue le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Madagascar se situe aujourd’hui au niveau de la République de Corée en 1980, à l’aube de l’explosion de ses exportations. Et en regardant les données de plus près, on remarque de nombreux autres exemples de progrès.

Au cours des trente dernières années, c’est au Burundi qu’ont été accomplies les plus grandes avancées en termes de scolarisation. En 1980, les enfants de moins de sept ans pouvaient s’attendre à être scolarisés 1,7 an en moyenne, selon le PNUD. Aujourd’hui, cette durée est allongée à 11 ans, la prochaine génération de travailleurs burundais n’aura donc rien de commun avec la précédente. L’Ouganda, le Mali, la Guinée-Bissau, l’Éthiopie, la Guinée et le Burkina Faso ont tous augmenté la durée moyenne de scolarisation d’au moins cinq ans ces trente dernières années.

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Une meilleure espérance de vie

La santé est un autre domaine où certains pays se sont détachés du peloton. En Érythrée, Éthiopie, Guinée et au Niger, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 15 ans au moins depuis 1980. Une grande partie de ce changement est due à la diminution de la mortalité infantile, ce qui est d’autant plus impressionnant que ce progrès a eu lieu malgré le raz de marée de l’épidémie de sida. Pour ces pays, une plus grande espérance de vie signifiera moins de pauvreté pour les familles, des taux de fécondité plus bas et davantage d’investissements en ressources dans chaque enfant.

Certains de ces pays, comme le Burundi et l’Érythrée, sont peut-être trop petits pour capter l’imagination des investisseurs. Mais en Afrique de l’Est, l’Ouganda et l’Éthiopie ont plus de 100 millions de consommateurs potentiels à offrir. Et des entreprises multinationales d’Afrique de l’Ouest commencent déjà à toucher les pays francophones de taille moyenne.

L’exemple asiatique

Comme la Corée a commencé à le montrer il y a un demi-siècle, d’importantes ressources naturelles ne constituent pas une condition indispensable à une croissance rapide. L’amélioration du niveau d’éducation et de santé s’accompagne d’une plus grande productivité, de salaires en hausse et d’une augmentation du pouvoir d’achat. Si elles veulent s’adapter à cette croissance, les entreprises vont devoir planifier à long terme. Un des moyens de le faire consiste à échelonner le marketing de leurs produits en parallèle avec l’augmentation des niveaux de vie.

L’investissement de Honda au Vietnam est un excellent exemple de ce genre de planification à long terme. Honda y a installé une filiale en 1996, et il n’a fallu que quelques années à ses scooters Dream minimalistes pour envahir les rues des villes. À mesure que le Vietnam prospérait, les scooters devenaient de plus en plus sophistiqués. Ils ont même fini par avoir des portes. En 2006, Honda a ouvert sa première usine automobile au Vietnam, qui produisait la compact Civic pour le marché local. Les consommateurs vietnamiens avaient l’habitude de se fier aux produits Honda, mais il leur a fallu une bonne décennie avant d’être prêts à acheter le haut de gamme.

Certains investisseurs se méfient peut-être encore de l’Afrique subsaharienne, compte tenu de son instabilité politique et des catastrophes humanitaires dont elle est victime. Mais les choses peuvent rapidement changer. Le Vietnam, pays théoriquement communiste engagé dans des conflits militaires jusqu’au début des années 1990, a vu ses investissements directs étrangers bondir lorsqu’il a fait la paix avec ses voisins et ouvert ses frontières au commerce.

La croissance économique qui en a suivi a contribué à consolider cette stabilité et cette ouverture. Plus proche de nous, l’économie du Sri Lanka connaît une croissance annuelle de plus de 8% depuis la fin de sa guerre civile.

Au cours de ce siècle comme de ceux qui l’ont précédé, la majeure partie de l’explosion des investissements en Afrique subsaharienne vient d’entreprises cherchant à extraire des ressources naturelles. Mais les réserves vont et viennent, et les matières premières finissent par s’épuiser. Ce qui perdure, c’est le capital humain, le plus grand moteur économique de tous.

Daniel Altman
Source Slate.fr

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Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.
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