Pourquoi pas elles ? Former aujourd’hui les filles aux emplois numériques de demain

Femmes numérique et éducation en Afrique
Femmes numérique et éducation en Afrique

Avec la Banque Mondiale

Parce qu’il transforme les économies, le numérique exige de nouvelles compétences pour réussir dans les emplois de demain. Or les femmes et les jeunes filles continuent à être sous-représentées dans les filières et carrières spécialisées dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). C’est un constat qui nous appelle à faire plus pour abattre les obstacles qui se dressent devant elles.

Les données contenues dans le portail de la Banque mondiale sur la parité montrent que la proportion de femmes diplômées dans les TIC dépasse 50 % dans des pays comme la Gambie, la Jordanie ou Sint Maarten, mais qu’elle n’est que de 9 % au Cambodge et de 10 % aux Maldives et en Suisse.

Part des femmes sur le nombre total de diplômés du troisième cycle en technologies de l’information et de la communication

Part des femmes sur le nombre total de diplômés en TIC (%) :

Source: Institut de statistique de l’UNESCO (UIS). Données issues du portail sur la parité hommes-femmes de la Banque mondiale. Conception Sarah BunkerConception Sarah Bunker

Selon de récentes données d’ONU Femmes (a), si l’acquisition de compétences numériques a nettement progressé dans la population féminine, il reste beaucoup de chemin à parcourir. Par exemple, en République démocratique du Congo, seulement 2 % des femmes âgées de 15 à 49 ans savent envoyer un e-mail accompagné d’une pièce jointe, contre 7 % des hommes. Au Mexique, les valeurs se situent à 31 % et 35 % respectivement. À Oman, ces compétences sont quasi universelles. Parmi les principaux obstacles (a) à surmonter figurent notamment les disparités d’accès aux smartphones et ordinateurs, le manque de contenu pertinent et les normes sociales qui dissuadent femmes et jeunes filles d’utiliser internet.

Des jeunes femmes impliquées dans la Google Code Week de Bujumbura - Mentorat technique de Thierry Barbaut
Des jeunes femmes impliquées dans la Google Code Week de Bujumbura – Mentorat technique de Thierry Barbaut

Pour aider les filles à apporter les innovations technologiques dont le monde a besoin, nous disposons de cinq principaux moyens d’action :

1. Combattre les stéréotypes de genre en milieu scolaire dès le plus jeune âge 

Les jouets et livres que nous donnons aux jeunes enfants jouent un rôle important car ils influencent leur image et estime de soi et leurs aspirations. Un projet sur les modèles dans la lecture (a) mené au Zimbabwe a montré qu’en faisant connaître aux filles les biographies de femmes ayant réussi dans des disciplines à domination masculine, on peut les amener à choisir la même orientation. Offrir aux enfants un accès à des lectures qui ne perpétuent pas de stéréotypes, c’est donc commencer à abolir les préjugés sexistes. Si l’on attire l’attention sur les idées préconçues qui entourent les aptitudes féminines et l’on s’efforce de faire changer les mentalités, les filles ne seront plus découragées dès la petite enfance de suivre leur voie.

2. Former les filles pour qu’elles puissent exprimer leur inventivité technologique 

En montrant aux filles que les TIC permettent de résoudre des problèmes locaux ou universels, on peut les inciter à devenir des créatrices de solutions numériques.  Les programmes extrascolaires tels que Technovation (a) sont particulièrement prometteurs. Parmi les filles ayant suivi les cours de cet organisme, certaines se sont d’ores et déjà lancées dans les TIC pour trouver des solutions à des problèmes de la vie réelle. Ainsi, au Nigéria, un groupe d’adolescentes a développé une application qui identifie les contrefaçons de médicaments (a). En Inde, des jeunes filles ont créé une autre appli, qui facilite une gestion responsable des déchets électroniques (a). Les compétences numériques transforment incontestablement l’existence de celles qui les acquièrent, mais aussi les conditions de vie de leur communauté, qui bénéficie ainsi de nouvelles solutions technologiques.

3. Créer des liens entre les jeunes filles et des femmes qui, en jouant le rôle de mentor ou d’exemple, les incitent à poursuivre des études dans les STIM

Parallèlement aux formations pratiques, le contact avec des mentors ou modèles féminins donne de l’assurance aux filles et les encourage à persévérer sur la voie des TIC ou, plus généralement, des filières scientifiques (a). Une récente étude menée par IFC (a) conclut que sur la plateforme d’apprentissage à distance Coursera, les inscriptions aux cours de sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) atteignent presque la parité quand au moins une formatrice intervient, contre 35 % lorsque l’enseignement est dispensé uniquement par des hommes. On peut véritablement changer la donne en apportant un accompagnement approprié aux étudiantes. Par exemple, au Liban (a), une étude a mis en évidence une hausse de la proportion d’étudiantes et de diplômées en STIM chez les filles qui avaient bénéficié d’un mentorat féminin pendant leur première année d’études supérieures.

4. Informer les jeunes femmes sur les carrières dans les STIM pour qu’elles y recherchent un emploi

Les établissements scolaires et programmes de formation peuvent jouer un rôle important pour inciter les jeunes femmes à s’orienter vers les filières STIM en les informant des perspectives de rémunération dans ces carrières. Au Kenya (a), les jeunes femmes informées des meilleures rémunérations dans les métiers majoritairement exercés par des hommes s’engagent plus volontiers dans des formations offrant ce type de débouchés. On observe aussi une augmentation de leurs salaires horaires. 

5. Garantir des environnements de travail inclusifs et porteurs pour les femmes dans les STIM

Les mesures prises dans le milieu professionnel pour inciter les femmes à rester dans le secteur sont elles aussi très importantes. Il existe toutes sortes de moyens de créer un cadre de travail inclusif et plus équitable, dans les STIM ou ailleurs. Il s’agit de mesures bien connues, comme les congés parentaux, les garderies d’enfants ou les mesures contre le harcèlement sexuel, pour n’en citer que quelques-unes. Dans les STIM en particulier, les femmes sont plus nombreuses à témoigner de cas de harcèlement sexuel que dans d’autres secteurs d’activité (a). Au Sri Lanka, le groupe automobile DIMO, qui a traité ces problèmes dans le cadre du programme de promotion du respect sur le lieu de travail (a) d’IFC, a augmenté de 15 % (a) la proportion de femmes occupant des types de postes majoritairement masculins.

Des existences transformées

En s’appuyant sur des faits probants et sur les bonnes pratiques, la Banque mondiale aide les jeunes filles et jeunes femmes partout dans le monde à se former à l’informatique afin qu’elles embrassent des carrières dans les TIC et les STIM, et il s’efforce d’améliorer leurs conditions de travail pour qu’elles réussissent dans l’économie numérique.

Au Népal (a), des programmes innovants couvrent les coûts de formation de jeunes femmes, mobilisent les réseaux de mentors pour favoriser leur maintien dans le secteur des TIC, assurent leur sécurité dans les transports et entretiennent des contacts avec des employeurs potentiels pour leur faciliter l’accès au marché du travail.

En Sierra Leone (a), un projet pilote dans le domaine de l’emploi numérique va offrir des possibilités de garde d’enfants et poursuivra son soutien aux jeunes femmes une fois leur formation achevée en les faisant bénéficier de mentorats féminins et d’évènements de réseautage. 

Au Bangladesh (a), nous formons actuellement 24 000 étudiantes aux nouvelles technologies dans les universités publiques. Nous encourageons en outre les universités et entreprises à intégrer au moins 30 % de femmes dans leurs programmes de formation aux technologies. 

C’est grâce aux TIC que les femmes et jeunes filles vont changer le monde. Nous avons hâte de découvrir les fruits de leur inventivité libérée.  C’est pourquoi nous nous associons à l’appel de l’UIT (Union internationale des télécommunications) à les soutenir afin qu’elles soient non seulement utilisatrices mais aussi créatrices de solutions numériques. Nous enjoignons nos partenaires à œuvrer avec nous pour rendre les carrières dans ce domaine plus accessibles, inciter les filles à faire des études dans les filières technologiques et scientifiques, et leur permettre de devenir des championnes de l’innovation numérique.

Jannat Binte Alam, ex-stagiaire au Bangladesh, l’exprime mieux que quiconque : « La formation à Java que j’ai suivie était très intéressante. Aujourd’hui, je réussis vraiment dans mon travail. J’en appelle aux pouvoirs publics pour qu’ils organisent de nouvelles formations de ce genre. Ainsi, mes amies et d’autres jeunes femmes bangladaises enrichiront leurs connaissances, comme moi. Elles pourront alors participer aux progrès du secteur informatique et de l’économie dans le pays. »

Les auteurs remercient Tijan Bah, Sarah Bunker, Abigail Goodnow Dalton, Sarah Danman, Jaylan Elshazly, Camila Mejia Giraldo, Alicia Hammond et Suparna Roy pour leurs contributions.

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.