Egypte: La révolution volée…

Des troupes sont arrivées samedi à Suez où huit personnes sont mortes lors de violentes manifestations pour protester contre le pouvoir, deux ans après la révolution égyptienne.

Les affrontements ont fait des centaines de blessés dans le pays.

Des soldats égyptiens sont arrivés tôt samedi 26 janvier à Suez où huit personnes ont péri vendredi lors de manifestations marquant le deuxième anniversaire du début de la révolution égyptienne. Une autre personne est morte à Ismaïliya, où le siège local du parti des Frères musulmans a été incendié par les manifestants.

egypte-revolution« Nous avons demandé aux forces armées d’envoyer des renforts [à Suez] jusqu’à ce que nous ayons passé cette période difficile », a annoncé à la télévision Adel Refaat, responsable de la sécurité publique à Suez. Les militaires ont distribué des brochures aux habitants leur expliquant que leur présence était temporaire et répondait à un besoin de sécurité.

Sur place, les témoins avancent des versions contradictoires quant au déroulement des événements. Certains affirment notamment que les forces de l’ordre ont riposté à des tirs d’hommes masqués.

Dans les autres villes du pays, la tension était également palpable notamment au Caire où les manifestants avaient pris d’assaut l’emblématique place Tahrir.  Les autorités dénombrent au moins 450 blessés à travers le pays.

« Ce fut une journée à hauts risques, des affrontements ont même eu lieu dans des gouvernorats acquis aux islamistes comme à Fayoum. On sentait vraiment et on sent toujours beaucoup de colère et de détermination de la part des manifestants », rapporte Sonia Dridi, correspondante de FRANCE 24 au Caire.

 

Les Égyptiens réclament toujours « pain, liberté et justice sociale »

Le président Mohamed Morsi, par la voie d’un communiqué, a déclaré qu’il n’hésiterait pas à « poursuivre les criminels et à les livrer à la justice. » Il a exhorté les Égyptiens à respecter les principes de la révolution en exprimant leur opinion de façon pacifique.

Tentant d’apaiser les tensions, les Frères musulmans, qui n’ont pas appelé à manifester à l’occasion de l’anniversaire du soulèvement, ont lancé une campagne caritative baptisée « Ensemble, construisons l’Égytpe », qui prévoit une série d’actions sociales et caritatives à destination d’un million de personnes.

Mais l’ampleur des manifestations soulignent les profondes dissensions de la société égyptienne. Les manifestants estiment que le président Morsi, et les Frères musulmans qui l’ont porté au pouvoir, ont trahi la révolution. « Les Égytpiens veulent mettre la pression sur les autorités afin qu’elle réalise les objectifs de la révolution. Deux ans après, ce sont toujours les mêmes slogans : ‘pain, liberté et justice sociale’ ou encore ‘le peuple veut la chute du régime’« , explique Sonia Dridi,

« Nous ne sommes pas là pour faire la fête mais pour forcer ceux qui sont au pouvoir à se soumettre à la volonté du peuple », ajoute Mohamed Fahmy, un militant. « L’Égypte d’aujourd’hui ne doit plus jamais être comme l’Égypte de l’époque de Moubarak. »

 

Moins populaires, les Frères musulmans sont accusés d’opportunisme

Dans ce climat tendu, les affrontements qui ont eu lieu étaient tout à fait prévisibles, d’après Sonia Dridi. « Les activistes avaient prévenu qu’il ne s’agirait pas d’une journée de célébrations. Ils ont appelé à dire ‘non’ aux Frères musulmans qui selon eux reproduisent le système d’Hosni Moubarak en accaparant le pouvoir. »

Selon la journaliste, une partie de la population dénonce aujourd’hui l’opportunisme des Frères musulmans, en particulier depuis la crise autour de l’adoption de la nouvelle constitution en décembre 2012 où le pays s’est une nouvelle fois déchiré. « Les Frères musulmans ont beaucoup perdu en popularité et s’ils ne réagissent pas rapidement, l’année 2013 sera ponctuée de nouveaux affrontements », prévoit-elle déjà. Avec les prochaines élections législatives qui pourraient débuter en avril, de nouvelles mesures devraient voir le jour.

En attendant, la tension reste à son comble pour ce samedi 26 janvier, alors que le verdict du procès de Port-Saïd vient de tomber. La justice égyptienne a condamné à mort 21 personnes sur les 70 qui avaient été inculpées. Une décision qui a été accueillie par les cris de joie des membres des familles des victimes présents dans la salle d’audience au Caire. Mais les « Ultras » d’Al-Ahly, des supporteurs fervents et organisés qui revendiquent la grande majorité des victimes, ont déjà menacé les autorités de semer le « chaos » si le verdict n’est pas assez sévère à leurs yeux.

Thierry Barbaut
Avec France24

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.