
Organisé dans la précipitation, le référendum ne pourra pas être supervisé par des observateurs internationaux.


Mosquées contre médias
«La charia est notre Constitution», annonce une pancarte, lettres blanches sur fond rouge. La femme qui la brandit s’appelle Sabah Khamis. Foulard bleu foncé et souliers en plastique, elle appartient au «Front salafiste», une des différentes mouvances islamiques qui soutiennent ce projet défendu par les Frères musulmans, dont est issu le président. Pour elle, le «oui» est un «camouflet» imposé aux «infidèles de la place Tahrir» – façon de désigner les anti-Morsi qui ont rallié cette place emblématique d’une révolution qu’ils estiment volée par leurs adversaires. Après avoir longtemps hésité à boycotter le référendum, l’opposition s’est lancée dans une campagne de dernière minute, à coups de tracts, d’encarts publicitaires dans les journaux et de vidéoclips diffusés à la télévision.
Mosquées contre médias, islam contre société civile, niqabs contre décolletés… Dans une Égypte plus que jamais divisée, et au risque de sombrer dans des clichés bien réels, le référendum sur la Constitution qui commence ce samedi ressemble plus à une bataille de valeurs entre deux groupes qui n’arrivent plus à se parler. «Il n’y a plus aucune place pour le dialogue. Comment puis-je soutenir un projet défendu par un président qui ne représente qu’une partie de la société? Comment pourrais-je voter oui à une Constitution soutenue par des gens qui mentent, tuent et qui torturent?», s’emporte Nasser el-Zaeem, un activiste, en référence aux actes de torture infligés à des manifestants par des agents des Frères musulmans lors d’une récente manifestation organisée autour du palais présidentiel. De tels actes préfigurent, selon lui, des «heurts inévitables» devant les urnes.
6000 blindés pour protéger les bureaux de vote
Afin d’éviter d’éventuels débordements et de garantir un minimum de sécurité, les militaires – que le président Morsi avait pourtant renvoyés dans les casernes en juillet dernier – entrent à nouveau en scène. Quelque 120.000 effectifs, appuyé par 6000 blindés – ont reçu pour ordre de protéger les bureaux de vote et les bâtiments gouvernementaux. Dès vendredi, de violents heurts ont cependant opposé pro et anti-Morsi à Alexandrie, faisant plusieurs blessés.
Pénurie de juges oblige – un grand nombre d’entre eux ont décidé de faire grève -, le scrutin s’étalera sur deux samedis. Mais le déroulement du vote, dans un contexte tendu, alimente déjà les soupçons de fraude. Les observateurs internationaux, venus en renfort lors des précédentes élections – législatives et présidentielle -, ont déclaré forfait par manque de temps pour s’organiser. Dans un communiqué rendu public avant-hier, le Centre Carter fait part de ses regrets face à un délai trop court pour pouvoir envoyer une équipe en Égypte.
Soucieux d’éviter un fiasco, de nombreux activistes ont annoncé qu’ils se portaient volontaires pour aller superviser le vote. Une «hotline» vient d’être créée à cet effet. «Il est de votre devoir, le jour du vote, de demander à voir la carte d’identité du magistrat présent. Si vous avez un doute, n’hésitez pas à déposer une plainte auprès du club des juges», annonce un encart diffusé sur Facebook à l’attention des électeurs.
Thierry Barbaut
Avec AFP