- Avec un taux de croissance démographique parmi les plus élevés du monde et un faible indice de développement humain, la région du lac Tchad a impérativement besoin de projets de développement pour améliorer l’accès à l’eau afin de faire fonctionner les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de la santé, de l’assainissement et l’industrie.
- Mais pour concevoir des projets de développement pertinents, il faut connaître précisément l’hydrologie et la dynamique du bassin du lac Tchad. Des données qui font défaut aujourd’hui.
- Un nouveau groupe de travail élabore des modélisations des eaux souterraines et de surface qui permettront de prendre des décisions de développement en toute connaissance de cause.
Pendant des milliers d’années, les populations vivant près du lac Tchad ont adapté leur mode de vie à ses fluctuations annuelles. Les populations ont su s’acclimater au flux et reflux des eaux qui rythment la saison des pluies et la saison sèche, en alternant diverses activités : cultures, pêche et élevage.
Le lac Tchad est la principale source de sécurité alimentaire et de subsistance pour la population locale. Mais sa variabilité, le changement climatique et la contamination des aquifères sont autant de risques qui menacent aujourd’hui le système socio-écologique du lac et la santé publique. Par ailleurs, il est urgent d’investir dans le développement d’une région caractérisée par un faible indice de développement humain, un manque d’accès aux services d’eau et d’assainissement essentiels et un taux de croissance démographique parmi les plus élevés du monde. Or, pour pouvoir concevoir des projets de développement durables et climato-résilients, et donc anticiper leurs effets sur les ressources en eau, il est indispensable de connaître précisément l’hydrologie et la dynamique du bassin du lac Tchad.
« On dispose de modélisations pour la relation pluie-débit, pour le lac et pour les nappes phréatiques, mais il n’existe pas de modèle intégré des interactions entre les eaux de surface, les eaux souterraines et les prélèvements », indique Aleix Serrat Capdevila, spécialiste des ressources hydriques à la Banque mondiale. « De fait, nous ne savons pas à quoi pourraient ressembler des prélèvements durables et un bassin “équilibré”. »
Pour y remédier, renforcer les connaissances actuelles et parvenir à une compréhension commune de cette dynamique hydrologique, une équipe de la Banque mondiale et la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), avec l’appui du Programme pour la coopération dans les eaux internationales en Afrique (CIWA) (A) collaborent avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et plusieurs partenaires — Institut fédéral allemand de géosciences et de ressources naturelles (BRG), Bureau français de recherches géologiques et minières (BRGM), ResEau, Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) — et les organismes des États membres. Ce processus collaboratif a été lancé lors d’un séminaire organisé en mai 2017 et un groupe de travail a été constitué afin d’élaborer des modélisations des eaux souterraines et de surface qui seront capables de « communiquer ».
« Plusieurs organismes apportent une contribution importante par leur activité dans certaines zones du bassin, ou en recueillant des données sur les eaux de surface et souterraines », explique Aleix Serrat Capdevila. « Nous avons eu l’idée de les réunir pour reconstituer le puzzle et disposer d’un tableau d’ensemble plus précis. »
Ces données sont recueillies dans le cadre de plusieurs projets financés par le programme CIWA, dont une initiative destinée à concevoir un modèle actualisé des nappes phréatiques dans le bassin du lac Tchad, qui intègre l’ensemble des données et informations existantes. Le programme de télédétection mis en place dans le cadre du Partenariat mondial pour la sécurité de l’eau et l’assainissement (GWSP) (a) appuie également ces efforts en utilisant des satellites pour suivre les variations des eaux de surface. Estimations en temps réel des précipitations par satellite, prévisions météorologiques, prévisions saisonnières et modèle hydrologique : tous ces éléments permettent de suivre l’évolution des ressources en eau et de fournir des projections via une interface conviviale, le Lake Chad Flood and Drought Monitor.
L’élaboration d’un système de modélisation mixte (eaux de surface et souterraines) et constitué à partir de données provenant de nombreuses organisations permettra d’améliorer la gestion de l’eau dans le bassin du lac Tchad. Ce système transparent et issu de la recherche collaborative permettra d’évaluer les conséquences des futurs projets et investissements potentiels, ainsi que leur viabilité à long terme et leur résilience en fonction de différents scénarios climatiques. Autrement dit, il pourra servir à définir une vision commune d’un bassin hydrographique durable et équilibré en contrôlant les effets des prélèvements effectués dans les eaux de surface et souterraines pour satisfaire les besoins de développement.
Le suivi des ressources hydriques est essentiel pour prendre des décisions de développement en connaissance de cause. En effet, pour bien gérer la ressource, il faut la connaître précisément. Une bonne gestion du bassin du lac Tchad permettra d’exploiter des ressources hydriques partagées pour faire reculer la pauvreté, tout en assurant leur protection et leur préservation.