Des Jeux Olympiques en Afrique ?

Actuellement, les espoirs de voir l’Afrique accueillir les Jeux olympiques reposent entre les mains de la seule puissance émergente du continent.

En 2012, Londres réalise un triplé olympique. Après 1908 et 1948, la capitale anglaise accueille ses troisièmes Jeux, un record.

Depuis 1896, cet évènement planétaire a fait le tour du monde, de Los Angeles à Tokyo, en passant par Paris.

Mais jusqu’ici la flamme olympique n’a illuminé aucune ville africaine. Une tendance qui n’évoluera pas pour les deux prochains Jeux.

En 2016, Rio organisera les JO. Et parmi les potentielles villes hôtes des Olympiades de 2020, on ne trouve aucun candidat africain (Madrid, Istanbul, Tokyo).

Le 9 août, Raila Odinga, Premier ministre kényan, a déclaré à Londres que Nairobi, la capitale du pays, se porterait candidate pour organiser les Jeux de 2024.

Casablanca (Maroc) et Durban (Afrique du sud) devraient également déposer une candidature. Mais l’Afrique est-elle capable d’accueillir les Jeux dès 2024?

L’Afrique du Sud, seul candidat crédible

Impossible économiquement pour la quasi-totalité des pays d’Afrique qui n’a pas les moyens d’organiser les Jeux olympiques:

«Le budget des Jeux olympiques est plus important que le produit intérieur brut (PIB) de plusieurs dizaines de pays d’Afrique subsaharienne. […] Le PIB du Burundi (1,8 milliards d’euros) est plus petit que le budget des Jeux de Londres (enviro 12 milliards d’euros). Dans ce pays, les JO serait plus cher que dans la capitale anglaise, au vu des infrastructures à construire ou à rénover (métro, aéroport…)», explique Wladimir Andreff, économiste du sport.

Au nord du continent, la tâche s’avère également très compliquée pour des pays comme l’Egypte ou le Maroc qui sont, malgré tout, «beaucoup plus développés».

Selon Wladimir Andreff, un seul pays du continent est capable d’organiser les JO: l’Afrique du Sud. Un avis partagé par Patrick Clastres, historien du sport:

«Le Comité International Olympique (CIO) recherche un pays où il a les coudées franches, il ne veut pas passer sous le contrôle d’un Etat. Le Royaume-Uni est le pays le plus libéral d’Europe, et c’est aussi pour ça que Londres a obtenu les Jeux. L’Afrique du Sud présente le même type d’atout, son économie repose sur le modèle néo-libéral anglo-saxon.»

Avec un PIB de plus de 400 milliards de dollars (environ 322 milliards d’euros), le pays n’aurait aucun problème à financer l’évènement.

Economiquement l’Afrique du Sud est stable, politiquement aussi. Ces deux conditions sont indispensables quand on veut accueillir les Jeux.

Et pour s’attirer les faveurs du CIO, l’Etat africain devra également démontrer qu’il est capable d’assurer la sécurité de la population.

Protéger les gens, c’est bien. Mais il faut aussi assurer aux partenaires qu’il n’y aura pas de «concurrence sauvage et pas de guerre des marques», explique Patrick Clastres. Le CIO ne badine pas avec la sécurité juridique et commerciale.

Pays-hôte de la Coupe du monde 2010, l’Afrique du Sud est le premier pays africain à accueillir un évènement sportif majeur. «Cela prouve qu’ils ont une capacité d’organisation», affirme Wladimir Andreff.

Cette première expérience concluante est un atout non-négligeable pour le pays, s’il souhaite organiser les JO.

Autre point fort du pays de Nelson Mandela, l’Afrique du Sud fait partie des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) organisation composée des cinq puissances émergentes.

Deux de ces pays ont déjà organisé les Jeux (Russie, Chine), et les prochaines olympiades se dérouleront au Brésil.

L’attribution des JO à la vingt-cinquième puissance mondiale ne serait donc pas illogique.

Mais accueillir un tel évènement peut également présenter quelques inconvénients.

 

Ville hôte des JO: une malédiction

Pour Wladimir Andreff, la ville-hôte des JO est «maudite».Elle est condamnée à dépenser plus que prévu.

Face à la concurrence qui souhaite également obtenir les Jeux, les candidats se doivent de présenter un dossier toujours plus attrayant.

Cela entraîne par la même occasion une augmentation des coûts initiaux. En 2005, Londres avait prévu un budget de 3,5 milliards d’euros. Au final, la capitale anglaise a déboursé près de 12 milliards d’euros.

«Les différentes villes candidates vont surenchérir les unes contre les autres pour essayer d’obtenir les Jeux. Cela rend la situation plus difficile pour une ville sud-africaine», affirme l’économiste.

Son analyse dérive de la théorie des enchères:

«Un objet convoité par plusieurs individus est mis aux enchères. Si cet objet est vendu sur le marché, les individus vont enchérir les uns sur les autres, mais ils n’iront pas au-delà du prix fixé sur le marché.»

«Mais il existe une autre situation où l’enchère porte sur quelque chose dont on ne connaît pas la valeur sur le marché, parce qu’il n’y a pas de marché pour cet objet-là. C’est ce qui se passe avec les Jeux olympiques. Quand on ne connaît pas la valeur de l’objet de l’enchère, elle est toujours payée à un prix plus élevé que la vraie valeur de l’objet. Donc les villes paient plus cher que ce qui serait normal qu’elles acceptent de payer.»

La note s’annonce salée pour le pays africain. Et les retombées économiques des Olympiades n’amortiront pas forcément les coûts.

L’organisation d’un évènement sportif ne garantit pas d’énormes bénéfices à l’arrivée. Dans certains quartiers populaires d’Afrique du Sud, on attend encore les effets de la Coupe du monde 2010.

«Il y a un impact économique qui a été en partie positif. Mais il a été moins important que les prévisions, notamment parce que les spectateurs étrangers sont venus moins nombreux (surtout les Africains) que ce qui était prévu.»

A Londres, «les retombées positives des Jeux seront inférieurs au coût des JO. Le gouvernement annonce officiellement 17 milliards d’euros. De l’autre côté on sait que les Jeux vont probablement coûter 30 milliards d’euros».

Un déficit que le contribuable de Londres est en charge de combler. S’agissant des infrastructures le constat est identique, la population n’en bénéficiera pas. «A Athènes et Pékin, certaines installations sont quasiment à l’abandon aujourd’hui», affirme Patrick Clastres.

Durban doit prendre en compte tous ces paramètres. Dans un pays où 50% de la population noire vit en dessous du seuil de pauvreté, dépenser des milliards de dollars pour des Olympiades n’est pas anodin.

En 2011, l’Afrique du Sud, qui avait envisagé une candiature pour les JO de 2020, s’était retirée, l’Etat préférant se concentrer sur les problèmes de politique intérieure.

La puissance émergente du continent peut financer les Jeux et a les moyens de proposer un dossier crédible pour 2024.

Reste à savoir si le gouvernement est prêt à faire des JO une priorité nationale.

Outre l’aspect économique, la politique joue un rôle prépondérant dans la course à l’obtention des Jeux.

Les Jeux politiques

Pour l’Afrique du Sud, les Jeux olympiques sont un moyen de rayonner à travers le monde. Et pour le CIO, attribuer les JO à un pays africain présente aussi des avantages:

«Le CIO a besoin de conquérir de nouveaux territoires. Actuellement, deux espaces échappent à l’olympisation du monde, la capacité du Comité à être présent sur tous les territoires de la planète: l’Inde et l’Afrique. Le CIO a besoin d’organiser les JO sur le continent africain le plus tôt possible», explique Patrick Clastres.

Cette initiative permettrait à cette institution conservatrice de faire preuve d’ouverture, à l’image de la Fédération internationale de football Association (FIFA) qui a déjà fait de la désignation du pays hôte un symbole.

En 2004, la FIFA attribue à l’Afrique du Sud l’organisation de la Coupe du monde 2010, une première pour le continent.

Trois ans plus tard, elle décide qu’en 2014, le prestigieux tournoi de football se jouera au Brésil, puissance émergente de l’Amérique du sud.

En 2009, le CIO confie à Rio de Janeiro l’organisation des Jeux de 2016. Mais pour le moment, aucun geste n’a été fait en direction de l’Afrique.

«Le CIO est beaucoup moins progressiste que la FIFA. Son image est encore trop élitiste et elle a toujours un coup de retard sur l’instance du football.»

En attribuant les JO à l’Afrique du Sud le CIO comblerait ce retard.

Et pour obtenir ces Jeux, le pays doit faire du lobbying. L’Afrique du Sud pourra compter sur le soutien des pays émergents et des autres pays africains.

A travers sa candidature, le pays cristallisera les espoirs de tout un continent.

«S’ils veulent être performants, il faut qu’ils en fassent une candidature de l’Afrique.»

«Pour qu’il y ait du lobbying, il faut aussi que des partenaires aient intérêt à attaquer le marché sud-africain.»

Dans le dossier de candidature, la présence des investisseurs est essentielle:

«En 1988, nous avons eu des Jeux Adidas. Horst Dassler, patron de la marque, qui voulait conquérir le marché de l’Asie Pacifique, a passé un accord avec Juan-Antonio Samaranch, président du CIO. Les Jeux se sont déroulés à Séoul, en Corée du Sud, et à partir de là, Adidas a performé dans toute la région.»

L’Afrique du Sud est le candidat le plus crédible accueillir les Jeux olympiques. Et même si le pays échoue dans sa conquête pour 2024, le CIO, désireux d’«olympiser» la planète, devra accorder les Jeux à un état africain à court ou moyen terme.

Selon toute vraisemblance, l’Afrique du Sud sera le premier pays du continent à accueillir des Olympiades.

Les candidatures kényanes et marocaines traduisent la volonté du continent d’être un acteur majeur de l’olympisme et l’envie de faire entendre sa voix dans le concert des nations.

Depuis de nombreuses décennies, l’Afrique brille aux JO, notamment en athlétisme. Aujourd’hui, le continent se doit d’organiser le plus grand évènement sportif du monde.

2024 pourrait constituer une année charnière pour l’Afrique et les Jeux olympiques.

Thierry Barbaut
Source: www.slateafrique.com

 

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.