Le crowdfunding ouvre de nouvelles perspectives

Le crowdfunfing ou « finance participative » ouvre de nouvelles perspectives

Le financement participatif, en anglais « crowdfunding », est-il un outil de financement d’avenir pour les projets de développement au Sud ?

Quand on étudie les potentialités du marché, on peut répondre oui. Le crowdfunding a permis de collecter en cumul 35 milliards de dollars à ce jour à l’échelle mondiale, pour tout type de projet (du financement de films à des start-ups, du micro-crédit, de l’évènementiel en passant du prêt à la consommation). Le potentiel de collecte est estimé à 1000 milliards de dollars à horizon de dix ans. Une étude de la Banque mondiale dédiée au financement participatif estime que sur ces 1000 milliards, 96 milliards pourraient être affectés aux pays en développement. Autrement dit, on en est à l’année zéro du crowdfunding pour les pays en développement.

Deuxième point : l’outil est incroyablement bien adapté aux collectes solidaires, faites dans un but de bienfaisance et de philanthropie (du don pour les ONG ou l’action humanitaire, du prêt solidaire, etc). Pas moins de 40 % de la collecte de fonds par le crowdfunding, tous métiers confondus, se destinent en effet à des projets solidaires – des ONG au sens large.

Mieux encore, en France et aux Etats-Unis, entre 5 % et 10 % de la collecte « solidaire » via le crowdfunding ne porte pas sur des dons mais des prêts ou de l’investissement en capital – autrement dit, de l’investissement à impact sur le développement. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui le « crowdimpacting ». Il existe dans le monde une vingtaine de sites de micro-crédits comme Babyloan, qui permettent aux contributeurs de  récupérer leur capital, mais aussi avec des sites de prêts rémunérés ou d’investissement dans des social business. En sept ans, pas moins de 36 000 membres ont prêté 11,5 millions d’euros via Babyloan, permettant de financer 24 500 micro-entrepreneurs.

En somme, divers outils se développent en dehors des approches de dons. C’est d’autant plus intéressant que le financement de l’économie sociale et solidaire (ESS) en France passe par la finance solidaire, qui existe depuis trente ans mais ne représente que 0,02 % de la finance française, soit rien du tout !

 

D’où viendraient ces 96 milliards de dollars potentiels ?

Ils peuvent venir du grand public des pays du nord, dans une logique Nord-Sud, mais aussi des diasporas, le grand sujet actuel pour les bailleurs de fonds, compte tenu de l’importance des transferts de fonds des migrants vers leurs pays d’origine. Troisième axe : le crowdfunding Sud-Sud, qui permettrait aux résidents d’un pays du Sud de financer leur propre développement, des Maliens au Mali par exemple.

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Les transferts d’argent des migrants sont en effet colossaux. Comment le crowdfunding peut-il capter ces fonds ?

Les statistiques de la Banque mondiale nous disent que ces transferts vont s’élever à 450 milliards de dollars par an. Quand on parle d’un potentiel de 96 milliards sur dix ans de financements susceptibles d’aller à des projets de développement, cela représente des volumes financiers moyens de 9,6 milliards par an. Imaginons que 50 % de ces fonds viennent des diasporas – soit 4,5 milliards par an, seulement 1 % des flux annuels moyens transférés par les migrants. On touche au rêve de tous les bailleurs. Ce serait déjà colossal de parvenir à mobiliser pour des investissements productifs entre 2% et 3% de tout l’argent qui passe par Western Union ou Moneygram pour la consommation directe des parents restés au pays… Nous sommes convaincus que le crowdfunding peut y contribuer.

 

Pourquoi les migrants qui transfèrent de l’argent auraient intérêt à se rapprocher des plateformes de crowdfunding ? 

Les nouvelles générations évoluent dans l’envie de faire, et plus seulement d’envoyer de l’argent à la cousine de Bamako, pour aller vite. Nous avons fait un test et lancé une application temporaire pour la diaspora béninoise, qui est venue nous solliciter. Sur les 30 000 Béninois qui vivent en France, nous avons réussi à en faire venir 300. Ce n’est pas un chiffre important, mais sur les 300 personnes qui ont cliqué sur notre application, le taux de transformation s’est élevé à 50 %. Autrement dit, la moitié des gens ont décidé de prêter des montants moyens de 40 euros. Un tel taux représente du jamais vu – quand on passe au journal télévisé, on peut espérer un taux de transformation de 1%… C’est le signe qu’il se passe quelque chose.

 

Babyloan va-t-il donc s’adresser à des immigrés africains ?

Nous construisons en effet un portail qui va permettre de lancer des mini-sites thématiques. Avec Total, nous lançons Babyloan Access to Energy, consacré aux projets de microcrédit dans l’énergie, pour des panneaux solaires entre autres. Ce portail très simple va figurer dans notre site dans la thématique «  microfinance verte ».

Nous voulons aussi créer une filiale commerciale de Babyloan, visant à faire entrer les investisseurs institutionnels comme l’AFD. L’objectif est d’ouvrir un site Internet comportant 10 à 15 portails dédiés à des pays différents. Chaque portail aurait un ou deux responsables commerciaux, dont la mission serait de mobiliser les diasporas de son pays sur les applications.

Il faut lever 5 à 6 millions d’euros pour lancer notre filiale commerciale, un investissement assez lourd. Ensuite, un travail de sélection des IMF partenaires s’impose. Il va falloir trouver dans chaque pays d’Afrique francophone au moins deux ou trois IMF qui couvrent l’intégralité du territoire. Enfin, il faut trouver de vraies belles PME. Dans un premier temps, les portails ne seront accessibles qu’aux ressortissants non résidents des pays concernés, par exemple le Béninois de France, mais pas celui du Bénin. La raison ? Les règlementations de l’Union économique et monétaire de l’Ouest africain (UEMOA) interdisent à des personnes physiques de prêter, considérant qu’elles se livrent à des activités bancaires.

 

Pour attirer les investisseurs, il faut inspirer confiance. Comment faire ?

Notre modèle est intermédiaire : nous agréons les institutions de microfinance (IMF), parce que nous devons inspirer confiance dans le choix de nos partenaires. Nous réfléchissons à mettre en ligne directement des PME africaines qui sont suivies par des fonds d’investissement français ou des incubateurs d’entreprises en Afrique qui pourraient être financés en direct par Babyloan. Dans ce cas, nous ne serons plus sur des projets de 400 euros, mais 20 000 à 30 000 euros. La question qui découle de ce choix est celle-ci : comment sélectionner une PME fiable et pérenne ? D’où notre intention de travailler avec des spécialistes comme Jean-Michel Sévérino chez Investisseurs et Partenaires (I&P) par exemple, pour le premier test.

Nous allons adosser Babyloan Africa à un fonds d’investissement dédié, susceptible de lever de l’argent auprès des institutionnels et de prêter aux IMF en abondement des prêts faits par les internautes. L’idée est de dire qu’à partir d’un certain montant de prêts réalisés par les internautes, le fonds va tripler la mise sous forme de lignes de crédits complémentaires débloquées au bénéfice de nos IMF partenaires. Nous sommes le premier site de crowdfunding à avoir couplé son activité avec un fonds d’investissement, un projet mené avec le Crédit coopératif et Ecofi sur la base d’un fonds luxembourgeois. Notre idée est de rester modeste sur la mobilisation des diasporas, et d’aller voir les bailleurs de fonds pour leur proposer d’investir également en abondement. C’est un projet très complet, totalement focalisé sur les diasporas.

Avec Idées pour le développement, le Blog de l’Agence Française de Développement