La COP 27 et les énergies fossiles

Energie nucléaire Afrique
Energie nucléaire

Beaucoup d’O.N.G. des pays riches ont considéré que la COP 27 était un échec parce qu’elle n’a pas décidé l’interdiction ou la diminution de l’utilisation des énergies fossiles. Le journal Le Monde du 22 novembre titrait « La COP 27 cale sur les énergies fossiles ». C’est une réaction de gens qui ont une vie confortable et qui ne veulent pas voir les besoins de développement de la grande majorité des habitants du monde. Quand on est pauvre, on ne peut pas améliorer sa situation sans consommer plus d’énergie.

 Actuellement les écarts de niveau de vie entre les pays sont énormes. Pour s’en rendre compte, un bon critère est le PIB par habitant exprimé en parité de pouvoir d’achat, ce qui permet de tenir compte du niveau des prix dans chaque pays.

Le record du monde est détenu en 2021 par les Luxembourgeois avec 134 754 $ par habitant, largement devant les Qataris à 93 521 $. Les Américains sont à 69 288 $, les Français à 50 729 $ et les Italiens à 45 936 $. Les habitants les plus pauvres du monde sont ceux du Burundi avec 793 $. Dans ce pays, la moitié de la population doit vivre avec moins de 2 $ par jour ! Plus généralement la grande majorité des africains est en dessous de 5000 $ par habitant, 10 fois moins que pour un français.

Le retard actuel de développement de l’Afrique est dû pour une grande part à la faiblesse de sa production d’énergie. 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Avec actuellement 1,4 milliards d’habitants, l’Afrique a la même population que la Chine ou l’Inde, mais en 2050 elle les aura largement dépassées et atteindra probablement 2,5 milliards d’habitants. Ses besoins en énergie vont donc fortement augmenter et elle ne peut actuellement les satisfaire qu’avec des énergies fossiles, notamment son pétrole.

En outre, dans ce continent faiblement industrialisé, les gouvernements doivent vendre leurs ressources minérales pour financer leur développement. Dans une interview au journal Le Monde du 22 novembre 2022, le Président du Niger, Mohamed Bazoum déclarait : « Nous devons répondre à nos besoins aujourd’hui, pas d’ici à dix ou quinze ans. J’ai de grandes ambitions pour mon pays. Je veux investir dans l’éducation, l’agriculture, mais comment le ferais-je si je ne dispose pas du minimum de ressources nécessaires que je ne peux avoir que si je vends du pétrole ? Je veux vendre du pétrole en 2023 et je vais accroître les quantités de pétrole que je dois vendre. Tant que c’est la seule ressource que j’ai pour promouvoir le développement de mon pays, j’y aurais recours ».

Des pays riches comme l’Allemagne ou la France, qui n’ont pas hésité à rouvrir des centrales à charbon pour combler le déficit de gaz russe n’ont pas de leçons à donner au Niger.

Le cas de l’Afrique est particulier, mais la Chine et l’Inde ont aussi besoin d’utiliser les énergies fossiles.

Les Chinois, qui ont connu un développement extraordinaire depuis 40 ans, sont arrivés à un PIB de 19 338 $ par habitant. Leur objectif est d’être un pays de richesse moyenne en 2049, pour les 100 ans de la création de la République Chinoise.

Cela veut dire qu’ils voudraient atteindre un PIB par habitant de l’ordre de 30 000 à 40 000 $ en 2049. Pour y arriver, il faut augmenter la production des Chinois de plus de 50 %, ce qui signifie faire marcher des machines qui consommeront de l’énergie. Pour produire cette énergie, la Chine utilise tous les moyens possibles. Elle a créé le plus grand barrage hydroélectrique du monde avec le barrage des Trois Gorges. Elle est championne du monde en matière de fabrication et d’utilisation des panneaux photovoltaïques. Elle développe des centrales nucléaires et a même réussi à construire avec le français Areva deux EPR à Taishan qui fonctionnent depuis 2018, alors que l’EPR de Flamanville, commencé en même temps, n’est toujours pas en fonctionnement. Tout cela ne suffit pas pour combler les besoins en énergie d’un pays de1,4 milliards d’habitants en plein développement. La Chine est donc aussi championne du monde de la construction de centrales électriques à charbon. Le parti communiste chinois ne peut pas se permettre de ralentir son développement et la Chine va continuer, au moins pour les deux décennies à venir, à utiliser son charbon pour combler ses besoins en énergie.

L’autre grand pays qui ne peut pas se passer de charbon est l’Inde. Avec 1 393 millions d’habitants en 2021, l’Inde a pratiquement rattrapé la Chine et va la dépasser dans les années à venir. Par contre le PIB par habitant n’y est que de 7334 $, un peu moins de 40 % de celui d’un Chinois. L’Indien moyen vit avec un revenu 7 fois plus faible que celui du Français moyen. Il est évident le gouvernement indien doit faire tous ses efforts pour augmenter la production du pays et donc sa consommation d’énergie. L’Inde dispose de 22 réacteurs nucléaires et en a 7 en construction. Elle essaie aussi de développer la production d’énergie à partir des renouvelables et du gaz, mais la moitié de sa production d’énergie vient du charbon et ne peut diminuer que très lentement.

La Chine, l’Inde et l’Afrique qui représente plus de la moitié de l’humanité ne peuvent pas se passer des énergies fossiles pour leur développement et les pays riches ne devraient pas essayer de les en empêcher par exemple en empêchant les banques de leur faire des prêts pour des projets d’exploitation d’énergie fossile. Tous ces pays sont favorables au développement des énergies renouvelables et la priorité des pays riches devrait être de les aider massivement pour développer ces énergies.

Cela devrait notamment être une priorité pour les fonds verts destinés à l’Afrique.  Ce continent dispose de ressources hydrauliques largement inexploitées. On peut citer le cas des barrages d’INGA sur le Congo.  Sur ce site exceptionnel, étudié dès 1925, il y a actuellement seulement deux barrages assez moyens, alors que le barrage du Grand Inga permettrait d’installer une centrale électrique ayant une puissance double de celle de la centrale chinoise des Trois Gorges et d’exporter de l’électricité vers les pays voisins. Dans le Sahara ou le Kalahari, il est possible de créer des centrales photovoltaïques sur des milliers d’hectares.

Il n’y a actuellement que deux centrales nucléaires en fonctionnement en Afrique, toutes deux en Afrique du Sud, alors que de nombreux pays comme l’Égypte, le Maroc, le Nigéria, le Kenya, la Côte d’Ivoire pourrait en accueillir. Les pays riches devraient s’entendre pour proposer leur aide technique et financière aux pays africains pour réaliser ces grands projets. Au lieu de de battre contre l’exploitation des énergies fossiles, les pays riches devraient de battre pour développer le plus possibles les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire dans les pays pauvres.

Louis Caudron
Ingénieur Général Honoraire du Génie Rural des Eaux et des Forêts, Ancien Sous Directeur du Développement Rural au Ministère de la Coopération Ancien Directeur au Conseil Départemental de la Vienne