Botswana : le remède miracle du régime parlementaire

Avec près de 90% de taux de d’alphabétisation ; moins de 20% de la population vivant sous le seuil de pauvreté ; plus de 7200 dollars de PIB par habitant selon la Banque mondiale ; le Botswana fait figure d’exception dans un continent rongé par la pauvreté et la précarité.

Il n’est plus un pays pauvre mais un Etat à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Mieux, considéré comme la 28ème nation la plus démocratique de la planète selon l’indice de démocratie de 2016, le Botswana est parvenu à maintenir un équilibre socio-économique en construisant un développement inclusif. Le Botswana a réussi l’exploit d’échapper relativement à la malédiction des ressources. Comment le régime parlementaire a-t-il contribué à une telle performance ?

D’abord, le régime parlementaire présente l’avantage d’être inclusif politiquement. En effet, son fonctionnement permet d’intégrer des populations composées de diverses ethnies, de diverses nations.

Dans ce régime, comme c’est le cas au Botswana, le chef de l’exécutif n’est pas élu directement par le peuple mais est le fruit de la majorité au Parlement. L’avantage de cette formule est qu’elle permet d’éviter la « dictature ethnique » car pour constituer une majorité il faudrait l’alliance de plusieurs ethnies.

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En clair, aucune ethnie n’élit directement le chef de l’exécutif comme le favorise le régime présidentiel. Ainsi, la possibilité pour tous d’être représenté au Parlement et de participer à la gestion et au contrôle des affaires publiques dissipe les risques de querelles tribales et favorise le pluralisme ethnique pacifique. Très important à souligner : le « caractère inclusif des chefferies traditionnelles précoloniales connues sous le nom de « kgotla », qui ont servi de modèle pour la mise en place des institutions démocratiques contemporaines ». En clair, le régime favorise la stabilité et l’expression démocratique. Il n’est donc guère surprenant qu’il soit le deuxième pays africain le plus démocratique après l’Ile Maurice, un autre Etat africains à régime parlementaire, selon l’indice de la démocratie de 2016.

Ensuite, le régime parlementaire permet un contrôle constant et efficace de l’action de l’exécutif. Il y existe des moyens de contrôle permanents qui font des dirigeants non pas des « empereurs » mais des serviteurs.

Le principe de parallélisme des formes et des compétences est la règle qui veut que celui qui donne le pouvoir puisse exercer un contrôle et le cas échéant le retirer. Seulement, dans les régimes présidentialistes africains, si le peuple est dit souverain, il ne dispose toutefois pas de mécanismes de contrôle permanent sur l’exécutif. Du coup, les seuls moyens de freiner l’élan des « supers présidents » sont les soulèvements et révolutions violentes, sources d’instabilité et de fuite des investisseurs.

A contrario, dans le régime parlementaire Botswanais, le gouvernement est responsable devant l’Assemblée qui tire son pouvoir permanent du peuple. Le Parlement Botswanais composé de deux chambres, l’Assemblée Nationale et la Chambre des Chefs (House of Chiefs) examine régulièrement les actions du gouvernement qui est responsable devant lui. Au Botswana, chaque projet de loi est examiné trois fois.

Le Gouvernement est responsable devant le Parlement qui peut, en cas d’errements, le dissoudre. Ceci explique la gestion rationnelle des ressources premières notamment le diamant dont les retombées ne servent pas à grossir la fortune des dirigeants mais plutôt à financer le développement.

Ainsi, près de 10% du PIB est consacré à l’éducation qui demeure quasiment gratuite. De nombreux pays succombent à la malédiction des ressources car la rente permet aux dirigeants de ne pas être dépendant fiscalement des contribuables, et donc de ne pas se sentir obligés de rendre des comptes aux citoyens, affaiblissant le contrôle démocratique.

Au Botswana, près du tiers du budget de l’Etat provient des prélèvements fiscaux, ce qui limite l’autonomie fiscale des dirigeants qui restent redevables aux contribuables. Par ailleurs, la manne issue de l’exploitation des diamants était budgétisée pour assurer la traçabilité des fonds et faciliter ainsi le contrôle budgétaire. Sans oublier que l’Etat a investi la manne dans l’amélioration de la qualité du capital humain (santé, éducation, infrastructures de base), ce qui a permis d’éviter que les ressources soient détournées au profit de castes de rentiers. Les institutions inclusives et le respect des droits de propriété ainsi que l’état de droit, déjà en place lorsque l’exploitation des ressources diamantaires a commencé, ont empêché une petite élite ou un clan de s’en emparer en toute impunité à la faveur d’un Etat faible, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays africains rentiers.

Enfin, en Afrique si l’indépendance juridique est avérée, l’influence et les ingérences étrangères le sont aussi. Le régime parlementaire permet à ce niveau non pas d’éteindre les velléités néo-colonialistes mais tout au moins de les freiner, de les minimiser. Dans ce type de régime, le chef de l’Exécutif n’est pas tout puissant et irresponsable comme c’est le cas dans le régime présidentiel. Il a des pouvoirs dans les limites que lui donnent la constitution et le Parlement devant qui il est responsable. Il lui est quasiment impossible de « dealer » avec des occidentaux sans que le Parlement, le peuple donc, ne soit préalablement avisé. Le Botswana est d’ailleurs le pays le moins corrompu d’Afrique selon le récent classement Transparancy International de 2015.  De plus, de nombreux coups d’Etats en Afrique sont imputés, à tort ou à raison, aux anciennes puissances coloniales notamment lorsque les chefs de gouvernements sont tatillons ou regardants dans la passation de contrats liés aux travaux publics d’envergures ou à l’exploitation de matières premières. Dans le régime parlementaire, faire sauter le chef de l’Exécutif ne bouleverse pas le système. Un nouveau gouvernement est formé et il demeure contrôlé et responsable devant le Parlement, devant le peuple donc. Ceci est de nature à prévenir les ingérences et à freiner le néo-colonialisme.

En définitive, le miracle Botswanais relève en grande partie du miracle du régime politique choisi dans un continent où domine le régime présidentiel. C’est ce même choix qui permettra au pays d’accélérer la diversification de son économie afin de relever le défi de l’épuisement proche des réserves de diamants pour préserver la stabilité politique, la cohésion sociale et la prospérité acquise jusqu’à présent.

Arnaud GOHI, doctorant en droit public au LECAP.