Algérie : un besoin crucial de liberté économique

President Abdelaziz bouteflika, le président de l'Algérie
President Abdelaziz bouteflika, le président de l'Algérie

La chute des prix du pétrole et du gaz a porté un coup sévère à l’économie algérienne fragilisée par le manque de diversification de son économie

Pour diversifier, il y a besoin de liberté d’entreprendre et d’échanger. Si l’économie algérienne manque de diversification, c’est parce qu’elle manque de liberté économique.

Pourtant la liberté économique y est garantie par la Constitution mais ça reste une « liberté de façade » réservée à la nomenklatura. A l’origine de cette situation, une fausse libéralisation dans les années 1988 après l’échec du régime socialiste. A l’issue de cette « ouverture », l’Etat s’était désengagé de l’importation totale ou partielle de nombreux produits de première nécessité sur lesquels il protégeait des monopoles (céréales, café, sucre, matières grasses, matériaux de construction, etc.). Cette décision a été illusoire car le contexte ne permettait pas l’émergence d’une véritable concurrence. Ainsi cette ouverture n’a profité que quelques oligarques, militaires et amis du pouvoir qui se sont partagés les secteurs d’importation entre eux, au détriment de la liberté réelle du commerce et de la concurrence. En d’autres termes, ils ont remplacé des monopoles publics par des monopoles privés.

Le mauvais classement de l’Algérie en terme de liberté économique (indice publié par Wall Street Journal et l’Heritage Foundation) illustre bien cet état de fait. En effet, l’économie algérienne a enregistré la septième plus grande régression dans l’indice de liberté économique en 2015. Elle a été déclassée de onze rangs et occupe désormais la 157ème position sur un total de 178 pays. Cette dégringolade n’est plus une surprise quand on prend conscience de l’hostilité de certaines lois et réglementations à la liberté d’investissement et du commerce et, in fine, à la diversification.

Ainsi, le Conseil national des investissements (CNI) limite le seuil des investissements à 15 millions d’euros, ce qui est complètement aberrant compte tenu du déficit d’investissement dans le pays et son besoin de diversification des activités hors hydrocarbures.

Cette institution, chapeautée par le premier ministre, veille également à l’application des modalités d’investissements initiés par les étrangers. Ces investissements doivent être réalisés obligatoirement en partenariat avec un ou plusieurs investisseurs nationaux résidents, publics ou privés (51% du capital de la société créée doivent être détenus par la partie algérienne et 49 % par la partie étrangère). Considérée comme un frein important au développement des investissements étrangers en Algérie, cette règle n’a pas été éliminée du nouveau code des investissements (adopté en juillet 2016 par la chambre haute et dont le contenu devrait entrer en vigueur d’ici la fin de l’année). Ainsi, le nouveau code des investissements dont le projet était annoncé à grande pompe, ne devrait avoir aucun impact positif sur l’environnement des affaires. Pas de bol d’oxygène pour l’économie algérienne essoufflée.

En plus de la règle 51/49, un autre obstacle à la liberté d’entreprendre demeure dans le nouveau code, celui du droit de préemption de l’Etat. Ce droit permet à l’État de s’opposer à une transaction en se positionnant prioritairement sur le rachat. Cela permet d’écarter des investisseurs que le pays ne souhaite  pas accueillir. Ces mesures anéantissent le flux d’investissements étrangers, déjà affectés par le durcissement de la réglementation algérienne des changes, et porte également atteinte au respect du droit de propriété, condition de toute diversification.

Notons que le commerce extérieur en Algérie est dominé par un fort taux d’importation (de l’ordre de 60-75%) alors même que le pays défend tellement sa souveraineté. C’est d’ailleurs pour  freiner les importations et booster les exportations que la politique monétaire en Algérie a toujours favorisé la dévaluation du Dinar. Cette politique inflationniste a été contreproductive, car non seulement elle n’a fait que renchérir la facture des importations, mais n’a pas stimulé le taux d’exportation hors hydrocarbures qui n’a jamais dépassé les 2 à 5 % depuis plusieurs décennies ! De plus, « le flottement dirigé » ne permet pas de mettre en exergue l’état réel de l’économie du pays. La dévaluation du Dinar algérien a provoqué un déséquilibre financier difficile à soutenir pour un investisseur, notamment les importateurs de matières premières et de produits stratégiques. Il faut rajouter à ce risque les tracas imposés aux investisseurs par les restrictions sur les changes. Enfin, rappelons que l’inflation a érodé, entre autres, la valeur des investissements, du patrimoine et de l’épargne, ce qui freine grandement les investissements productifs à long terme, puisqu’elle s’apparente à une expropriation déguisée.

Plus grave, si l’ancien « grenier de l’Afrique » n’arrive plus à satisfaire ses besoins, c’est parce que le secteur agricole est miné par l’insécurité juridique relative au foncier rural. La législation et les formalités sont complexes et il faut rajouter à cela la lenteur bureaucratique dans la délivrance des actes de propriété ainsi que leur coût élevé. Cela décourage l’investissement car les agriculteurs ne peuvent valoriser leurs titres fonciers pour accéder au crédit bancaire nécessaire pour financer la modernisation de leurs exploitations. Les industriels quant à ceux souffrent de la rareté et la cherté des terres. De nombreux industriels sont dans l’attente de la délivrance d’un titre leur permettant de sécuriser leurs investissements.

Avec la chute des cours des hydrocarbures plongeant l’économie en crise, les autorités algériennes ne peuvent plus se contenter de faire semblant. Désormais, elles doivent s’atteler à mettre en place une véritable ouverture de l’économie en changeant radicalement  les règles du jeu économique vers une plus grande liberté économique. Pour cela il faut : renforcer la liberté de choix des ménages et des entreprises en limitant l’ingérence de l’Etat ; réhabiliter l’Etat de droit pour sécuriser les investissements privés locaux et étrangers ; et enfin consolider la liberté de concurrence en supprimant les obstacles au commerce internationale et aux IDE de même qu’en assouplissant les réglementations des affaires et des marchés pour garantir l’égalité des chances économiques. C’est seulement à ce prix que l’Algérie pourra diversifier son économie pour répondre à la baisse des prix du pétrole.

Lahouari BOUHASSOUNE, journaliste algérien.

Christian Arshavin
Christian Arshavin, diplômé dans le graphisme à l'Institut Technique Salama, habite à Lubumbashi en RDC. Etudiant à Maria Malkia, une université de sciences informatiques avec une spécialisation en "Technologie et Réseaux".