Le rapport Annan sur les investissements énergétiques en Afrique

Les gouvernements africains, les investisseurs et les institutions financières internationales doivent augmenter de manière significative leurs investissements dans le secteur énergétique  de l’Afrique afin de  libérer  son potentiel de superpuissance en matière  de faibles émissions de carbone.

Tel est le message central d’un nouveau rapport, « Énergie, Population, Planète : Saisir les opportunités énergétiques et climatiques de l’Afrique »,  publié par  l’Africa Progress Panel de  Kofi Annan. Ce rapport appelle à multiplier par dix la production actuelle d’énergie afin de garantir à tous les Africains  l’accès à l’électricité d’ici 2030. Cela réduirait la pauvreté et les inégalités, stimulerait la croissance et  assurerait le leadership climatique qui fait  crucialement défaut sur la scène internationale.

Pour télécharger une copie du Rapport 2015 sur les progrès en Afrique, rendez-vous sur www.africaprogresspanel.org.

« Nous rejetons catégoriquement l’idée selon laquelle l’Afrique doit choisir entre la croissance économique  et un développement à faible émission de carbone », a déclaré Kofi Annan, président de l’Africa Progress Panel. « L’Afrique doit utiliser tous ses atouts énergétiques à court terme, tout en construisant les fondations d’une infrastructure énergétique à faible émission de carbone et compétitive. »

« Un Tanzanien mettrait, en moyenne, huit ans pour consommer autant d’électricité qu’un Américain en un mois » indique le rapport de Koffi Annan

En Afrique subsaharienne, 621 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité, et ce nombre   augmente.  Mis à part  l’Afrique du Sud, qui produit à elle seule la moitié de l’électricité de toute la région, l’Afrique subsaharienne utilise moins d’électricité que l’Espagne. Un Tanzanien mettrait, en moyenne, huit ans pour consommer autant d’électricité qu’un Américain en un mois. Une personne qui utilise sa bouilloire électrique  deux fois par jour au Royaume-Uni consomme en un an  cinq fois plus d’électricité qu’un Éthiopien au cours de la même année.

La pénurie d’énergie diminue la croissance de la région de 2 à 4 % par an, freinant les efforts destinés à créer des emplois et à réduire la pauvreté. Malgré une décennie de croissance, les écarts en  production d’électricité entre  l’Afrique et les autres  régions s’élargissent. Le Nigeria est une superpuissance exportatrice de pétrole, cependant  95 millions de ses citoyens utilisent le bois, le charbon et la paille pour produire leur énergie.

Le rapport révèle que les  ménages vivant avec moins de 2,50  dollars US par jour dépensent collectivement 10 milliards de dollars chaque année en produits  énergétiques, tels que le charbon, le kérosène, les bougies et les torches. Sur une base unitaire, les  ménages  les plus pauvres d’Afrique dépensent environ 10 dollars/kWh pour l’éclairage, soit 20 fois plus que les ménages africains les plus riches. En comparaison, le coût national moyen de l’électricité est de 0,12 dollars/kWh aux États-Unis et de 0,15 dollars/kWh au Royaume-Uni.

Il y a une défaillance considérable du marché  à ce niveau. Les technologies renouvelables à bas coût permettraient de réduire le prix de l’énergie, ce qui bénéficierait à des millions de foyers pauvres, créerait des opportunités d’investissement et réduirait les émissions de carbone.

Le rapport   encourage les dirigeants africains  à  entreprendre une révolution énergétique qui permettra de raccorder les populations au réseau électrique  et de répondre aux besoins des consommateurs, des entreprises et des investisseurs pour une électricité abordable et fiable.

Le Rapport 2015 sur les progrès en Afrique exhorte les gouvernements africains à :

•          utiliser le gaz naturel de la région pour produire de l’énergie  pour les besoins domestiques  ainsi que pour l’exportation, tout en mettant à profit le vaste potentiel inexploité de l’Afrique dans les énergies renouvelables ;

•          faire cesser la corruption, rendre la gouvernance des services publics plus transparente, renforcer la  réglementation et augmenter les dépenses publiques en matière d’infrastructures énergétiques ;

•          rediriger les 21 milliards de dollars US dépensés en subventions pour des services publics inefficaces  et pour une consommation  énergétique  déficitaire— qui profitent essentiellement aux riches— vers des subventions pour le raccordement au réseau électrique  et des investissements dans les énergies renouvelables.

Ce rapport appelle également à un renforcement de la coopération internationale afin de combler le manque de financement dans le secteur énergétique de l’Afrique, estimé à 55 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Ce montant comprend 35 milliards de dollars  d’investissements dans des  centrales, la transmission et la distribution, et 20 milliards  de dollars pour les coûts de l’accès universel à l’énergie.

Un « fonds mondial de connectivité »  visant  à raccorder 600 millions d’Africains supplémentaires d’ici 2030 est nécessaire pour encourager l’investissement en matière de fourniture d’énergie en réseau et hors réseau. Les donateurs  et les institutions financières devraient  pour débloquer l’investissement privé grâce  notamment au financement de garanties contre les risques et d’atténuations des risques.

Il est temps de mettre un terme au « poker des négociations climatiques »

Le rapport met au défi les gouvernements africains et leurs partenaires internationaux d’élever le niveau  d’ambition  à l’occasion du sommet  crucial sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre et en appelle à une réforme globale du système de financement climatique fragmenté et doté de ressources insuffisantes.

D’après le rapport, les pays du G20 devraient se fixer un calendrier  visant à supprimer progressivement  leurs subventions pour les combustibles fossiles et interdire également les subventions à l’exploration et à la production d’ici 2018. « De nombreux gouvernements de pays riches nous disent qu’ils veulent un accord sur le climat. Mais en même temps, des milliards de dollars tirés de l’argent des contribuables subventionnent la découverte de nouvelles réserves de charbon, de pétrole et de gaz », a déclaré M.  Annan. « Ils devraient  éliminer  le carbone du marché en le taxant, pas en subventionnant une catastrophe climatique. »

Tout en reconnaissant de récentes améliorations dans les positions de négociation de l’Union européenne, des États-Unis et de la Chine, le rapport indique que les propositions actuelles sont loin de constituer un engagement crédible pour la réduction du réchauffement planétaire à un maximum de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Il condamne l’Australie, le Canada, le Japon et la Russie qui se sont en réalité désengagés des démarches constructives concernant le climat.

« En refusant de prendre des risques et en attendant que d’autres fassent le premier pas, certains gouvernements jouent au poker avec la planète et la vie des générations futures. L’heure n’est pas aux faux-fuyants, aux intérêts personnels à court terme ni aux ambitions  réduites, mais plutôt à un leadership mondial audacieux et à  l’action décisive », a affirmé  Kofi Annan.

« Des pays comme l’Éthiopie, le Kenya, le Rwanda et l’Afrique du Sud », a-t-il ajouté, « émergent  comme  favoris dans la transition mondiale vers une énergie à basse émission de carbone. L’Afrique est bien placée pour accroître la production énergétique nécessaire pour stimuler la croissance, fournir de l’énergie à tous et jouer un rôle de leader dans les négociations cruciales  sur le  changement climatique. »

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.