Pourquoi et comment la French Tech peut rayonner sur l’Afrique ?

Comment la French Tech peut se positionner dans les pays émergents et plus particulièrement en Afrique ?

Lancée fin 2013 par le gouvernement, l’initiative French Tech vise à accélérer son internationalisation. Ainsi, les startups de la French Tech pourraient saisir de nombreuses opportunités numériques dans les pays africains à fort potentiel de croissance, notamment par des partenariats. Elles peuvent également s’appuyer sur les talents de la Diaspora Tech d’origine africaine (ingénieurs informatiques, professionnels web, mentors, etc).

Fondateur de StartupBRICS (le 1er Blog  en français dédié à l’actu Startup des émergents), Samir Abdelkrim applique ici à la French Tech plusieurs idées conceptualisées dans un précédent article de novembre 2013. Il prépare d’autres propositions visant à connecter les scènes startup françaises et africaines dont il nous reparlera très bientôt.

Inutile de le nier, pour de nombreuses années encore la Silicon Valley continuera de faire rêver les startups du monde entier – à commencer par les jeunes pousses françaises en quête d’inspiration et de nouveaux marchés pour s’exporter. Mais si le coeur de l’innovation technologique mondiale continuera de battre aux alentours de la baie de San Francisco, les nouvelles frontières de l’économie digitale se déplacent aujourd’hui du côté des pays émergents, là où tout semble de nouveau possible et où la French Tech peut et doit exercer un rôle de premier plan.

Et notamment du côté des pays de la Francophonie, à commencer par le continent africain : car d’ici 2018, 12 des 20 pays à plus forte croissance dans le monde se situeront en Afrique d’après les dernières estimations du FMI.

L’Afrique, un marché émergent plein d’opportunités pour les startups françaises

Observons l’Afrique digitale de plus près en mettant de côté nos idées reçues. La scène startup française sait-elle que ce continent de près d’un milliard d’habitants – dont 50% a moins de 20 ans – est traversé par des révolutions numériques très profondes, qui dopent sa croissance (+5% du PIB en 2013), accélèrent et préparent son entrée dans la globalisation ?

innovation-afriqueEn Afrique, le taux de pénétration du mobile dépasse les 80% tandis que les africains utiliseront près d’1,13 milliards de téléphones portables en 2017. Et un peu partout la culture entrepreneuriale se développe, stimulée par la création de nouveaux incubateurs, FabLabs et espaces de Coworking du Sénégal au Togo en passant par le Cameroun ou le Kenya…

Si bien que des pays jusqu’à aujourd’hui très éloignés du digital comme le Niger lancent eux aussi leurs premiers centres d’incubation pour aider à la création de startups locales. Et c’est par exemple au Togo qu’a été créée la première imprimante 3D du continent africain, avec le projet W.Afate qui a remporté un prix de la NASA en 2013 et qui s’exporte aujourd’hui vers les Etats-Unis.

Par ailleurs l’entrepreneuriat numérique passera à la vitesse supérieure en 2014 avec l’arrivée sur les côtes d’Afrique de nouveaux câbles sous-marins à fibre optique, ainsi qu’avec l’augmentation de la couverture 3G.

Ce qui va réduire coûts et lenteur de l’internet, et permettre à la classe moyenne africaine de se connecter et donc de consommer des services en ligne, par exemple dans le e-commerce. Favorisant en parallèle l’émergence d’un socle entrepreneurial propice à la création de startups africaines, avec par exemple le développement d’une industrie des applications et des contenus mobiles destinée à la clientèle locale.

Des opportunités de croissance à l’international dont les startups françaises peuvent tirer profit si elles commencent dès aujourd’hui à prendre leurs marques.

3 propositions d’actions pour connecter la French Tech avec les écosystèmes africains

Trop peu de startups françaises prennent conscience du potentiel de l’Afrique 2.0, par manque d’informations sur les opportunités existantes et par absence de visibilité sur les synergies possibles. La Diaspora Tech d’origine africaine vivant en France peut par ailleurs apporter sa pierre pour aider la French Tech à être partie prenante du développement digital de l’Afrique, en contribuant à bâtir des passerelles entre les entreprises innovantes françaises et les opportunités numériques africaines.

1. Identifier les synergies et donner plus de visibilité aux startups françaises qui se déploient en Afrique

Pour que les startups françaises ne passent plus à côté des opportunités africaines, il est important que la French Tech donne de la visibilité à des Success stories franco-africaines, ce qui par effet de mimétisme suscitera et donnera naissance à de nouvelles idées de business à implémenter en Afrique. Parmi ces startups sur le point de réaliser des projets de « co-localisation » (nouveau modèle d’internationalisation actuellement en vogue dans la presse économique) en Afrique, citons l’exemple d’Ityz, jeune pousse tricolore dont la solution permet de géolocaliser et réserver des taxis à Paris et qui réfléchit aujourd’hui à ouvrir des relais en Afrique pour commercialiser son application dans des grandes villes africaines.

Ou encore la startup parisienne Yeelenpix, banque d’images en ligne qui s’apprête à lever des fonds pour étendre son activité commerciale en Afrique de l’Ouest. De son côté une autre startup parisienne, AfriMarket, propose une solution de transferts de fonds Cash-to-Market et a figuré parmi les finalistes de la prestigieuse compétition LeWeb Paris 2013. Cette visibilité passe également par un travail d’identification des potentialités et des partenariats possibles sur le terrain, pour sensibiliser la French Tech. StartupBRICS prépare une initiative pour avancer sur ce sujet.

2. Développer des solidarités numériques entre la France et l’Afrique par le mentorat et l’entraide

9 projets de startups sur 10 échouent. Une dure loi que les entreprises innovantes du monde entier connaissent et à laquelle les startups africaines peuvent difficilement échapper. Les startupeurs africains peuvent bénéficier de l’appui de l’écosystème français en matière d’accompagnement. Et à ce niveau, la Diaspora Tech africaine basée en France dispose de nombreux experts pouvant mentorer et conseiller les jeunes pousses africaines en amorçage ou cherchant à s’internationaliser (des évènements franco-africains comme le Prix de l’Entrepreneur Africain pourraient servir à mobiliser des mentors qualifiés).

Un autre champ d’application : dans le domaine de l’entrepreneuriat social, où les startups sociales africaines apportant des solutions sur des thématiques ciblées (liées par exemple à l’usage du numérique pour renforcer la citoyenneté en Afrique, l’utilisation de l’impression 3D dans la santé, etc.) pourraient bénéficier du soutien d’entrepreneurs sociaux engagés comme la fabrique de codeurs solidaires Simplon ou encore la communauté MakeSense (qui inaugure prochainement son incubateur, SenseCube).

3. Miser sur les nouvelles écoles de codeurs pour dénicher les futurs Ambassadeurs French Tech

Ecole 42Simplon, ou encore WebForce 3… Plusieurs écoles d’informatique se créent en France pour former des publics éloignés des métiers du numérique, issus de couches sociales défavorisées ou sous-représentées dans l’innovation (jeunes des quartiers populaires, décrocheurs scolaires, etc.). Parmi eux figurent des jeunes français issus de la diversité et d’origine africaine, qui conservent souvent des affinités très fortes avec leur pays d’origine. En sortant de ces écoles, ils deviendront développeurs ou directement startupeurs. Avec leur double culture franco-africaine, ces talents de la Diaspora Tech joueront un rôle de facilitateur entre les écosystèmes français et africains, devenant en quelque sorte des Ambassadeurs de la French Tech qui feront rayonner le savoir-faire digital français en Afrique.

Par exemple, l’école de codeurs-entrepreneurs Simplon va former plusieurs jeunes français d’origine africaine qui dès leur sortie créeront des startups apportant des solutions en France mais aussi en Afrique, où ils monétiseront leurs business models. Notons que parmi les dirigeants de l’école 42 figure un talent Tech d’origine africaine qui peut être sensible à l’approfondissement de cette approche.

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© Raphael Dautigny / Simplon

En conclusion

La French Tech a donc tout intérêt à favoriser le rapprochement entre les startups françaises et africaines (elle peut contribuer à faire avancer les choses par exemple sur la question des visas et de la liberté de circulation des entrepreneurs notamment africains). L’énergie, le dynamisme et l’envie de création des talents Tech de la Diaspora africaine ne pourra que faciliter ce rapprochement.

Grâce à la Francophonie (750 millions d’individus parleront français dans le monde d’ici 2050), la France de l’innovation dispose d’atouts majeurs pour élargir son aura à l’international. Citons des pays comme le Vietnam qui avec ses 92 millions d’habitants connaît une révolution entrepreneuriale sans précédent et où des startups françaises comme Officience viennent apporter une expertise internet « Made in France », de nouvelles méthodes de management et font un gros effort de formation des jeunes développeurs vietnamiens.

Elle a la capacité de s’élancer avec confiance dans la conquête des opportunités numériques en Afrique, et d’ailleurs les investisseurs internationaux peuvent en passant par la France avoir un accès privilégié vers les nouveaux marchés émergents francophones d’Afrique et même au-delà.

Par Samir Abdelkrim de www.Madyness.com

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur Afrique et pays émergents chez 42 www.42.fr et consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.