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Des haricots biofortifiés pour combattre la faim

haricots biofortifiés

Joane Nkuliye se considère comme une militante. Elle fait partie d’un groupe restreint de fermiers qui produisent de cultures biofortifiées à une échelle commerciale au Rwanda.


Nkuliye possède 25 hectares dans le district de Nyagatare, dans la Province orientale, à deux heures de route de la capitale, Kigali. Le gouvernement lui a offert cette terre et elle y a emménagé en 2000, avec des plans d’élever le bétail.

 haricots biofortifiés Mais elle s’est vite rendu compte que cultiver des aliments serait plus rentable et aurait un impact plus grand sur la communauté locale puisque la plupart des enfants de la région ont souffert de kwashiorkor, un type de malnutrition causée par le manque de protéines.

« J’ai une passion pour l’agriculture. Nous sommes subventionnés parce que très peu de gens pratiquent l’agriculture commerciale« , a déclaré cette entrepreneure, qui est mariée, et a cinq enfants, et pratique l’agriculture depuis plus de 10 ans.

Il y a quatre ans, elle a été contactée par l’ONG HarvestPlus, qui fait partie d’un programme de recherche de ‘CGIAR Consortium’ sur l’agriculture pour la nutrition et la santé. L’ONG est considérée comme un leader dans l’effort mondial visant à améliorer la nutrition et la santé publique en développant des cultures et en distribuant des semences des aliments de base qui sont riches en vitamines et minéraux.

 

HarvestPlus a fourni à Nkuliye des graines, des emballages, des points de distribution et du savoir-faire. Aujourd’hui, elle cultive des haricots biofortifiés sur 11 de ses 50 hectares de terre.

« Après avoir récolté les haricots je cultive le maïs comme culture intercalaire. Je cultive aussi des bananes douces, des ananas et de la papaye. Je récolte 15 tonnes de vivres; je parle en termes de tonnes et non de kilos », a-t-elle souligné avec sourire.

Nkuliye a été invitée par HarvestPlus pour s’exprimer lors de la deuxième Conférence mondiale sur la biofortification tenue à Kigali du 31 mars au 2 avril, qui était un rassemblement de scientifiques, décideurs et d’acteurs.

Le Rwanda s’est aventuré dans une nouvelle ère agricole, puisque cela booste la production alimentaire et améliore le niveau de nutrition des cultures développées dans le pays.

Dans cette nation d’Afrique centrale où 44 pour cent des 12 millions d’habitants du pays souffrent de malnutrition et de carences en micronutriments, des aliments biofortifiés, comme les haricots, sont considérés comme une solution pour réduire la « faim cachée » – un manque chronique de vitamines et de minéraux.

Un Rwandais sur trois est anémique, et ce pourcentage est plus élevé chez les femmes et les enfants. Environ 38 pour cent des enfants de moins de cinq ans et 17 pour cent des femmes souffrent d’une carence en fer dans le pays. Cela, selon Lister Tiwirai Katsvairo, le directeur national de HarvestPlus pour le projet de la biofortification, est élevé par rapport à d’autres pays d’Afrique subsaharienne.

Les haricots biofortifiés ont des niveaux nutritionnels élevés et fournissent jusqu’à 45 pour cent des besoins quotidiens en fer, ce qui dépasse de 14 pour cent les variétés de haricots communément cultivées.

Ils ont aussi un avantage supplémentaire car ils se sont révélés de produire des rendements élevés, sont résistants aux virus, et résistent à la chaleur et la sécheresse.

Maintenant, un tiers des 1,9 million de ménages du Rwanda cultivent et consomment des cultures nutritives grâce à une initiative promue par HarvestPlus en collaboration avec le gouvernement rwandais.

La stratégie de HarvestPlus est de « nourrir le cerveau pour faire une différence », a indiqué Katsvairo.

Le gouvernement national, qui travaille en partenariat avec HarvestPlus depuis 2010, voit la nutrition comme une grave préoccupation. Selon la ministre de l’Agriculture et des Ressources animales du Rwanda, Agnes Kalibata, cinq ministres du gouvernement travaillent de coopérée pour aborder les problèmes de nutrition dans le pays.

Elle a dit que les cultures biofortifiées assurent que les pauvres, les petits fermiers et leurs familles ont des nutriments dans leurs régimes alimentaires. Environ 80 pour cent de la population rurale du Rwanda dépendent de l’agriculture pour leurs moyens de subsistance.

« Les haricots au Rwanda constituent notre aliment de base, ils sont traditionnels. Vous ne pouvez pas manger un repas sans eux. Les haricots sont biofortifiées renferment la principale protéine qui atteindra tout le monde, ils constituent la principale source d’aliments », a-t-elle déclaré.

« Nos agriculteurs et notre population ne peuvent pas manger la viande quotidiennement. Dans une telle situation, nous devons trouver une culture qui puisse fournir des nutriments et soit acceptable pour la communauté. Nous ne voulons pas changer les régimes alimentaires », a expliqué Katsvairo.

Mankombu Sambasivan Swaminathan, l’idéologue et généticien qui a mené la Révolution verte en Inde est un partisan de ce qu’il appelle « biohappiness ». Il est devenu célèbre pour la Révolution verte qui a augmenté la production alimentaire et transformé l’Inde en un pays producteur d’aliments durables.

« Je suis un passionné de la biofortification. C’est la meilleure façon d’ajouter des nutriments comme le fer, le zinc et la vitamine A. Dans le cas de la biofortification, c’est une situation gagnant-gagnant », a-t-il déclaré.

Selon Swaminathan, qui a été qualifié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement de « Père de l’écologie économique », le concept de la sécurité alimentaire a évolué pour devenir la sécurité nutritive.

« Nous avons constaté qu’il ne suffit pas de donner des calories, qu’il est important d’avoir des protéines et des micronutriments ».

Swaminathan affirme que c’est aussi une façon de s’attaquer à la faim silencieuse – la faim causée par l’extrême pauvreté.

« Cela fortifie sur le plan biologique et non sur le plan chimique, c’est pourquoi je l’appelle ‘biohappiness' », a déclaré ce premier lauréat du Prix mondial de l’alimentation en 1987. Il a également été salué par le magazine TIME comme l’un des 20 Asiatiques les plus influents du 20ème siècle.

Selon Katsvairo, le Rwanda est devenu un exemple pour les autres pays d’Afrique subsaharienne puisque la question de la nutrition fait désormais partie de la politique stratégique publique du pays.

« Le Rwanda est encore au stade de la mise en œuvre, mais il est une voie à suivre pour d’autres pays africains », a confirmé Katsvairo.

* Fabíola Ortiz a été invitée par HarvestPlus et Embrapa-Brésil pour se rendre au Rwanda. (FIN/2014)

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Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Directeur des financements solidaires chez 42 www.42.fr - Spécialiste en nouvelles technologies et numérique. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.
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