Libye pour éloigner le spectre d’une guerre qui s’annonce

L’Algérie intensifie sa médiation

« L’Algérie se plaçait à équidistance de toutes les parties libyennes en conflit », affirmait dernièrement, Abdelkader Messahel, le ministre Algérien des Affaires magrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats Arabes. Cette équidistance, confère à l’Algérie la crédibilité d’être le médiateur principal en vue d’une solution politique et pacifique à la crise en Lybie, selon les principaux acteurs de ce pays qui se sont défilés ces derniers temps à Alger.

Néanmoins, l’hypothèse d’une confrontation militaire semble prise en compte par les deux belligérants se disputant la légitimité du pouvoir en Lybie. Installé par la Communauté internationale le 17 Décembre 2015, le gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez Al-Sarraj à Tripoli (Ouest du pays) n’arrive toujours pas à asseoir son autorité sur tout le territoire national libyen. Pour cause, un autre gouvernement conduit par le président du Parlement de Tobrouk (Est du pays) Salah Akila et le Maréchal Khalifa Haftar, lui conteste l’autorité. Ce conflit d’autorité perdure depuis 2014. Voire, le pays est complètement disloqué depuis la chute de l’ancien Président Mouammar Kadafi en Octobre 2011, engendrant des dizaines de milliers de morts, la multiplication des groupes armés et la prolifération des armes. Et, en conséquence, une autre guerre se profile à l’horizon, entre ces deux autorités se disputant le pouvoir, en l’occurrence, le GNA et le gouvernement de Tobrouk. Pour les autorités de l’Est de Libye, les accords parrainés par l’ONU ayant conduit à la formation du gouvernement d’union nationale présidé par Fayez Al-Sarraj sont caducs, et ce du fait que lesdits accords n’aient aucunement fait référence au rôle de Khalifa Haftar comme l’un des acteurs principaux de fait en Libye.

Cela dit, cette guerre qui s’annonce, étant notamment la répercussion directe des ingérences étrangères dans ce pays. D’une part, le Qatar et la Turquie soutiennent le GNA ; de l’autre, l’Egypte et les Emirats Arabes-Unis, soutiennent l’autorité de Tobrouk.  Cependant, les deux acteurs en conflit engagent une course contre la montre en guise de recherche de soutiens extérieurs et d’appuis militaires. A cet effet, pour contourner l’embargo à l’armement imposé par le Conseil de sécurité onusien, le Maréchal Khalifa Haftar s’est envolé dernièrement à la Russie pour chercher le soutien militaire de Moscou. En riposte, de son coté, le Président du GNA s’est déplacé, ces derniers jours, à Bruxelles pour chercher le soutien militaire de l’Otan.

L’Algérie met son poids dans la crise pour éviter un bain de sang

Afin de parer à tout enlisement de la situation pouvant ébranler toute la région de la méditerranée, l’Algérie intensifie les efforts diplomatiques sur tous les fronts. A cet effet, le ministre des Affaires magrébines, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel, a reçu durant ces deux derniers mois à Alger, tous les acteurs libyens en conflit afin de les exhorter à partager le pouvoir en opérant notamment des modifications consensuelles à l’accord onusien. Dans cette optique, une action commune entre l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte a été initiée. De son coté, le président Algérien, Abdelaziz Bouteflika, reçoit le leader islamiste tunisien, Rached Ghannouchi, en vue de prendre attache avec les islamistes libyens et de les convaincre à faire des concessions et d’accepter le principe de partage du pouvoir avec Khalifa Haftar. Cette démarche du président Algérien a donné ces résultats. Voire, l’action de Rached Ghannouchi, s’est traduite par le déplacement en Tunisie du directeur de Cabinet de présidence de la République algérienne, Ahmed Ouyahia, pour y rencontrer un des principaux dirigeants islamistes libyens, à savoir, Ali Al-Salabi. « L’Algérie par le biais d’Ouyahia a fait part aux frères musulmans libyens de la nécessité de cesser le langage des armes et de s’inscrire dans la démarche politique menant vers un partage équitable de pouvoir », selon une source diplomatique algérienne, rapportée par les médias. Il est également question de la nécessité de la réunification de l’Armée libyenne sous un seul commandement.

Par ailleurs, une rencontre devant regrouper les ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, de la Tunisie et de l’Egypte, est prévue dans les prochains jours à Tunis pour consolider le choix d’une solution politique en Lybie. Cette rencontre entre ces trois chefs de la diplomatie, selon nos sources, devrait également déboucher sur une autre rencontre à Alger, entre les présidents Algérien, Tunisien et Egyptien. Ces trois chefs d’Etats dégageront une feuille de route permettant une issue politique définitive à la crise libyenne, tout en ne permettant aucune ingérence étrangère dans ce pays pouvant précipiter la confrontation armée.

Les conséquences du conflit libyen sur les pays de la région

Selon une dernière note politique du Washington Institute for Near East policy (Winep), adressée à la nouvelle administration américaine de Donald Trump, le conflit libyen ayant débuté en 2011, a provoqué un climat d’insécurité dans toute la région de l’Afrique du nord et du Sahel. « Avec l’insurrection libyenne de 2011 et la guerre civile qui a suivi, les réseaux d’armes et de terroristes se sont rapidement propagés dans toute l’Afrique du Nord et dans l’espace du Sahel (principalement les Etats du Mali, du Niger et du Tchad) », stipule le document du Winep. Ajoutant à cela, l’insurrection libyenne de 2011 ayant engendré une propagation de millions pièces d’armes en Lybie et dans le Sahel, a conduit à l’occupation par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) d’une partie du Mali durant la rébellion des Touaregs en 2012. De même, la base gazière algérienne de Tiguentourine a été en 2013, la cible d’une attaque terroriste meurtrière. C’est ce qui explique le plein engagement de l’Algérie en vue d’une issue rapide à la crise libyenne qui perdure depuis six longues années.

C’est dire, les libyens sont devant une responsabilité historique. Une responsabilité devant les mettre dans l’obligation morale et politique de trouver une issue pacifique à cette crise pouvant épargner leur pays et les pays de la région.