La Côte d’Ivoire entre grogne des fonctionnaires, soulèvement de l’armée et intimidation

La Côte d’Ivoire est rentrée depuis ce mois de janvier dans la IIIè République. En ligne de mire, les nominations d’un vice-président et du Premier ministre sous cette ère. A la clé, une nouvelle constitution, un nouveau gouvernement et la reconduction de Guillaume Soro au perchoir de l’Assemblée nationale. On attend la nomination du président du sénat et ses collaborateurs.

A l’observation, cette nouvelle ère, au lieu de susciter joie et satisfaction au sein de la communauté nationale, voit surgir de partout une fronde sociale : soulèvement des ex-rebelles et grève des fonctionnaires, le tout sous fond de malaise social qui perdure depuis plusieurs semaines.

 

De la mutinerie

On peut dire que le nouveau gouvernement a été investi sous un air de révolte : la mutinerie à Bouaké. Pendant que le Chef de l’Etat et son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly s’accordaient sur le démarrage de la IIIè République, des sons discordants se faisaient entendre du côté de la Grande muette qui, sous nos tropiques, a toujours été plutôt bruyante, voire très bruyante. Des soldats basés à Bouaké (2èmeville de la Côte d’Ivoire, située au Centre), fief de l’ex-rébellion, réclament des primes de guerres d’une valeur de 12 millions et une villa pour chacun des 8400 soldats.

Un soulèvement qui a eu un dénouement positif puisqu’un accord a été trouvé avec le gouvernement. Les mutins ont obtenu le paiement de cinq millions FCFA et le principe du paiement d’une somme d’un million par mensualité, jusqu’à épuisement des dus.  Ce règlement, à défaut d’apporter  l’accalmie dans les casernes, a plutôt suscité une grogne populaire qui a touché la quasi-totalité des casernes du pays. Les ex-Forces de Défense et de Sécurité, (ex-FDS), réclament aussi leur part de la cagnotte. Eux parlent « d’effort de paix et ou de guerre ».

Si les mutins ont, pour leur part, obtenu gain de cause, la situation sociale elle n’est plus à la normale. L’émergence prônée par le Chef de l’Etat a pris du plomb dans l’aile avec depuis environ trois semaines d’une grève générale des fonctionnaires. L’objectif est le retrait de la réforme de la retraite et le paiement des arriérés d’un montant de 243 milliards FCFA.

Si d’un côté, le gouvernement a satisfait à la revendication des mutins, de l’autre côté, l’on assiste à un traitement variable du même dossier de revendications : celles, pacifiques, des fonctionnaires, se butent au mur de refus du gouvernement de céder ; c’est la règle classique du deux poids deux mesures. La revendication pécuniaire des fonctionnaires est pratiquement rejetée du revers de la main par les autorités. Depuis 48heures, l’on annonce quelques avancées dans le traitement de ce dossier : le gouvernement aurait satisfait à quatre sur les six importantes revendications de ces travailleurs du public. Mais rien de tout cela n’est concerné tant une nébuleuse entoure cette crise sociale que l’autorité semble avoir du mal à maîtriser.

De grosses pertes économiques pour la Côte d’ivoire…

Cette grève des fonctionnaires, qui dure depuis environ trois semaines, ne peut pas être considérée comme banale. Nul doute qu’elle paralyse non seulement le fonctionnement de l’administration, mais aussi et surtout l’économie. Il est évident que l’évaluation du préjudice et des pertes sera amère.

Il urge que le gouvernement discute véritablement avec les grévistes. Outre le dialogue, les dirigeants sont dans l’obligation de payer ne serait-ce qu’une part des arriérés et indemnités dus aux fonctionnaires. Vu qu’ils ont soldé la question pécuniaire des soldats mutins. Car, ce sont eux qui ont ouvert la boîte de pandore. Au-delà des interprétations et lectures plus ou moins alarmantes que nous servent les réseaux sociaux sur cette crise, au-delà aussi des articles polis que nous servent aussi les journaux inféodés au pouvoir, force est de constater que l’Autorité ne semble vraiment plus savoir où donner de la tête. Il lui faudra pourtant beaucoup de lucidité pour juguler cette crise.

Elisabeth Goli
Journaliste sportif, 16 ans d’expérience. Présidente de l’Union des femmes reporters sportifs d’Afrique (Ufresa). Membre de l’Association internationale de la presse sportive (AIPS). Initiatrice des Awards de la meilleure sportive africaine. Chevalier dans l’ordre du mérite sportif ivoirien.